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La raison du roseau

« … ceux qui aiment mieux maudire les affects et actions des hommes, ou en rire, que les comprendre. Ceux-là, sans aucun doute, trouveront étonnant que j'entreprenne de traiter des vices et inepties des hommes à la façon géométrique, et que je veuille démontrer par raison certaine ce qu'ils ne cessent de proclamer contraire à la raison, vain, absurde, horrible. »

(Spinoza. Éthique introduction partie 3)

 

Ici est posée une opposition fondamentale, moyennant une déclinaison de termes. Dans une colonne : maudire, rire, proclamer, vices, inepties, vain, absurde, horrible. Dans une deuxième en regard : comprendre, démontrer, raison, façon géométrique. Opposition, pour la schématiser, entre prégnance du non-sens et recherche de rationalisation.

Comment Spinoza résout-il cette opposition ? Il la dissout (ainsi fait-il, et c'est la même chose, avec immanence et transcendance) (cf en particulier 27-05-13 épisode 6 de ma série sur l'Éthique)

« Mais voici ma raison. (…) les lois et règles de la nature selon lesquelles toute chose se fait (…) sont partout et toujours les mêmes, et par suite il ne doit y avoir également qu'une seule et même raison qui permette de comprendre la nature des choses, quelles qu'elles soient, à savoir par les lois et règles universelles de la nature.

Et donc les affects (…) suivent les uns des autres par la même nécessité et vertu de la nature que les autres singuliers ; et partant, ils reconnaissent des causes précises (…) et ont des propriétés précises (…)

Je traiterai donc de la nature des affects et de leurs forces, et de la puissance de l'esprit sur eux, suivant la même méthode que j'ai utilisée dans ce qui précède à propos de dieu* et de l'esprit, et je considérerai les actions et appétits humains comme s'il était question de lignes, de plans ou de corps (figures en 3D). » (ibidem)

Il n'y a pas d'ailleurs à la nature, pas de fonctionnement alternatif à ses règles et lois. En particulier l'être humain ne peut, dit-il dans une célèbre formule, se concevoir comme un empire dans un empire. L'humain, corps et psychisme, est régi par les lois homogènes à l'ordre naturel. Ses pensées, sentiments, sensations (tout comme matière inanimée, animaux, univers dans son ensemble) sont branchés sur l'unique logiciel-programme de la nature, qu'il appelle ici une seule et même raison.

En clair mettons que nous pensions un soupçon plus que le roseau (autrement en tous cas), mais une chose est sûre : il participe de la même raison que nous.

Or l'un des accès les plus simples et directs dont nous disposions vers l'unique raison est la logique mathématique, qui en est l'épure. D'où l'Éthique démontrée selon l'ordre géométrique.

 

*Spinoza écrit Affect Esprit Dieu etc. J'enlève les majuscules partout pareil.

 

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