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Philosophie pratique

Spinoza n'était pas du genre à bricoler. Enfin si : on peut dire, en rigueur de termes, que quand il fabriquait des lentilles* c'était une sorte de bricolage. Mais un bricolage pro, excluant de polir le moindre tesson de verre sans avoir calculé l'angle exact d'application du geste en fonction de la convexité souhaitée.

(Je dis ça en vrai j'en sais rien, mais ça m'étonnerait qu'à moitié, vu le bonhomme).

 

Ce qui est sûr, c'est que son Éthique est une mécanique philosophique parmi les plus achevées qui aient été produites, une somme, si ce mot a un sens.

On y trouve physique, métaphysique (ou plutôt antimétaphysique), politique, économie, mathématique, psychologie, philologie. Bon si on veut chercher un truc qui manque ce serait peut être l'esthétique. Quoique : l'écriture de certains passages, lumineuse, brûlante. Et son sens de l'humour (particulier il est vrai).

On trouve tout ou presque, donc, et en plus c'est drôlement bien rangé, tout s'organise dans la démonstration qui court d'un bout à l'autre du livre.

Démonstration-marathon certes, mais à l'architecture fascinante, prenante, telle la forêt de colonnes où l'on plonge en entrant dans la mosquée de Cordoue. C'est le rapprochement qui me vient, va savoir pourquoi.

(Enfin si : contiguïté Espagne/Portugal d'où la famille Spinoza s'exile pour Amsterdam. Et à Cordoue vécut Maïmonide, autre lumière juive).

 

Pourtant la forme mathématique ne doit pas faire négliger la charge concrète du mot démonstration. L'abstraction est au service du concret. La démonstration n'est pas celle du prof, mais du technicien qui vous montre le fonctionnement de l'aspirateur. Comme le dit Deleuze, Spinoza entend faire avec ce livre une philosophie pratique

(folle ambition, hein ?)

Démonstration de quoi ? « De la servitude humaine, autrement dit des forces des affects » (titre partie 4) auxquelles remédier au moyen « de la puissance de l'intellect, autrement dit, de la liberté humaine » (titre partie 5).

L'éthique de Spinoza n'est pas un catalogue de préceptes moraux, ni un code de bonne conduite à proprement parler. Ce qu'elle propose de cet ordre, n'est que moyen au service d'un élan de libération.

Du mécanisme de cette libération, l'étude des affects partie 3, au centre du livre, constitue logiquement le pivot. D'où l'intérêt de la regarder de près.

 

*Ce ne fut pas vraiment son métier. Pour écrire les babioles philosophiques qu'il nous a laissées, faut pas être obligé de passer son temps à gagner sa vie. Un ami mécène épris comme lui de progrès et de lumière lui fit une petite rente qui lui permit d'écrire à sa guise (de toutes façons il vivait dans la sobriété heureuse style épicurien). (Cf Maxime Rovère Le clan Spinoza Champs Flammarion 2019)

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