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Comme par la main

« Ce qu'il y a de vif et de moelle est étouffé par (les) longueries d'apprêts (…) je veux qu'on commence par le dernier point (…) je ne veux pas qu'on s'emploie à me rendre attentif et qu'on me crie cinquante fois : 'Or oyez !' à la mode des hérauts »,

dit Montaigne (Des livres, Essais II,10).

 

Je partage son agacement devant les introductions. Au mieux on s'y ennuie, souvent on est vexé que l'auteur semble minorer votre aptitude à saisir son propos.

Quand on connaît déjà un peu la question, l'agacement se mue en impatience (c'est bon, balance, t'as quoi à dire en fait?), voire en contestation (j'aurais pas dit ça comme ça, y en a qui disent que, et puis tu oublies ça etc.)

Bref je ne te le cache pas, lecteur-trice, j'ai été fortement tentée de faire l'impasse. Mais ma fibre pédantesque (dirait Montaigne, je vais dire mon surmoi pédagogique) m'incite à faire un pas vers ceux qui par extraordinaire n'auraient pas pour livre de chevet l'Éthique (en latin).

Faire un pas, ou plutôt les prendre comme par la main.

Au fait figurez-vous j'ai découvert il n'y pas longtemps (je ne sais comment ça m'avait échappé jusqu'ici) que cette expression est aussi devinez chez qui ? Mais oui :

Par cette variété et instabilité d'opinions, ils (les philosophes) nous mènent comme par la main, tacitement, à cette résolution de leur irrésolution. (Essais II,12 Apologie de R. Sebon)

 

En fait le rapprochement mérite d'être creusé.

Le propos de Montaigne est d'invalider une bonne fois la velléité dogmatique de la philo, celle-ci n'étant, à ses yeux, vraiment digne de ce nom que dans le scepticisme. Or oyez Spinoza :

« J'en viens maintenant à expliquer les choses qui durent nécessairement suivre de l'essence de Dieu, autrement dit de l'Étant éternel et infini. Pas toutes, évidemment, car il dut en suivre infiniment d'une infinité de manières, nous l'avons démontré à la prop 16 part. 1, mais seulement celles qui peuvent nous conduire comme par la main à la connaissance de l'Esprit humain et de sa suprême béatitude. » (Éthique Introduction partie 2)

Montaigne surfe sur la mouvance de l'irrésolution, Spinoza arrime sa tente en terrain sûr à coup d'essence, démonstration, connaissance.

Incompatible ? Quoique ?

Bon ben voilà côté intro y a déjà de quoi faire il me semble.

 

Intro à quoi ? Ah oui, pardon : je te propose, lectrice-teur, un parcours dans la partie 3 de l'Éthique, intitulée De l'Origine & la Nature des Affects.

Pourquoi encore l'Ethique ? Plus on lit plus on sait une chose : qu'il faut encore creuser. Pourquoi cette partie-là, je le dirai la prochaine fois. (Du coup ça te fera deux intros pour le prix d'une). (Surtout que ça ne te demande d'autre investissement qu'un peu de temps et d'attention) (avantageux, non ?)

 

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