« Par affect, j'entends les affections du corps qui augmentent ou diminuent, aident ou répriment, la puissance d'agir de ce corps, et en même temps les idées de ces affections.
Si donc nous pouvons être cause adéquate d'une de ces affections, alors par affect j'entends une action ; autrement une passion. »
(Spinoza. Éthique Partie 3 définition 3)
Balèze, hein ? Mais pas d'angoisse, on va y aller pas à pas, à la géométrie comme à la géométrie.
N.B.1 Le mot corps ne se rapporte pas seulement au corps humain, mais à tout corps, au sens d'élément autonome organisé de façon plus ou moins complexe (corps physique, géométrique, et jusqu'aux sociétés humaines).
N.B.2 Affection du corps veut dire ce qui l'affecte, est à même d'entrer en interaction avec lui, de provoquer en lui une réaction. Le mot est donc pris au sens large, non spécialisé au sens physiologique ou psychologique.
(Ces NB ne rendent pas la définition plus simple j'en conviens, mais au moins nous évitent d'aller errer sur des chemins de traverse) (intéressants oui mais si on fait une lecture trop buissonnière, on n'est pas rendu).
Le lecteur, dans sa pertinence, s'étonnera de la discordance entre le singulier affect et les pluriels affections et idées.
Affect : du latin affectum, forme substantivée du verbe au nom charmant de supin. Elle envisage le procès signifié par le verbe en tant qu'accompli, résultat.
Ici supin du verbe afficere (ad-facere) = amener à tel ou tel état. À l'état résultant que constitue l'affect peuvent concourir plusieurs choses qui affectent, plusieurs affections. C'est même le cas le plus fréquent, l'affect pur est rare.
Les idées de ces affections : leurs images mentales, les figures qui en tracent la projection dans le psychisme* (à l'inverse donc du schéma platonicien).
L'affect spinoziste participe ainsi à la fois du physique et du mental. C'est à ce titre qu'il constitue le rouage privilégié du système : l'idée de l'affection est le cheval de Troie à partir duquel se lance l'offensive adéquation, pour prendre le contrôle de l'immédiateté du ressenti, du perçu.
Offensive dont le but est de passer d'un affect-passion à un affect-action.
Quant aux deux binômes augmentent diminuent, aident répriment, le premier note l'intensité, le second la direction, de l'affect considéré comme une force au sens de la physique.
La fin de la définition est comme un corollaire à la définition 2 vue la dernière fois. Là encore remarquons : action et passion ont des sens « géométrisés », étant ramenés à la question logique cause/effet.
*L'objet de l'idée constituant l'esprit humain est le corps, autrement dit une manière de l'étendue précise et existant en acte, et rien d'autre. (Éthique Partie 2 prop.13)