Le scolie de la proposition 9 de cette partie 3 d'Éthique vient apporter des précisions sur le conatus. (Qui a dit c'est pas du luxe?)
« Cet effort, quand on le rapporte à l'esprit seul, s'appelle volonté » ça, c'est que je notais la dernière fois à propos de comprendre
« mais quand on le rapporte à la fois à l'esprit et au corps » c'est à dire quand il s'agit de ce concept bivalent qu'est l'affect (cf Et en même temps),
« on le nomme appétit (appetitus = ad-petitus = ce qu'on cherche, vers quoi on tend), lequel n'est, partant, rien d'autre que l'essence-même de l'homme, de la nature de quoi suivent nécessairement les actes qui servent à sa conservation ; et par suite l'homme est déterminé à les faire. »
Bon ça c'est clair, c'est le conatus vu sous l'angle des pulsions narcissiques d'auto-conservation, dirait Freud (lecteur de Spinoza vous vous en doutiez) (sans toujours signaler la dette à son égard pour la création de ses propres concepts).
Notons surtout : si l'appétit, concept notant une dynamique, est l'essence de l'homme, cela revient à dire que cette essence n'est pas statique ni donnée d'emblée. Elle se construit selon la courbe dessinée par la succession des réponses aux appétits.
Pour le dire autrement : l'existence précède l'essence.
« Ensuite, entre l'appétit et le désir (cupiditas cf le dieu Cupido) il n'y a aucune différence sinon que le désir se rapporte généralement aux hommes en tant qu'ils sont conscients de leur appétit, et c'est pourquoi on peut le définir ainsi : le désir est l'appétit avec la conscience de l'appétit. »
Le désir ainsi défini est donc un en même temps tout comme l'affect. Spinoza fera d'ailleurs la jonction dans la récapitulation à la fin de la partie 3 avec la définition souvent (mais partiellement) citée
« Le désir est l'essence-même de l'homme en tant qu'on la conçoit déterminée, par suite d'une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose. »
(C'est moi qui souligne).
« Il ressort donc avec évidence de tout cela » faut quand même un peu le décortiquer je dirais mais oui, ça finit par ressortir …
« que, quand nous nous efforçons (verbe conari) à une chose, quand nous la voulons, ou aspirons à elle, ou la désirons, ce n'est jamais parce que nous jugeons qu'elle est bonne ; mais au contraire, si nous jugeons qu'une chose est bonne, c'est parce que nous nous y efforçons, la voulons, aspirons à elle et la désirons. »
Bref les idées/idéaux de Bien et de Mal sont une tartuferie philosophico-morale.
Propos en forme de missile éthique, par lequel Spinoza ne s'est pas fait que des amis chez les bien-pensants dans le port d'Amsterdam, ou ailleurs.
(mais davantage chez les pensants tout court)
(entre autres Nietzsche).