« Toute chose qui augmente ou diminue, aide ou réprime, la puissance d'agir de notre corps, l'idée de cette même chose augmente ou diminue, aide ou réprime, la puissance de penser de notre esprit. »
(Spinoza Éthique Part.3 prop.11)
Cette proposition tirant les conséquences de la définition de l'affect (part.3 déf.3 cf Et en même temps), note la transposition de l'affect matériel en affect mental.
Une homothétie de structure qui va structurer la réponse éthique.
Le corps ne fait que suivre son appétit, sa pulsion d'auto-conservation. Et s'il le suit, c'est parce qu'en fait il l'est (avons-nous vu dans la note précédente) (tu suis, lecteur ?)
Bon, quand l'appétit appète du positif, aucun problème. C'est quoi le positif ? Bonne question. Disons ce qui arrive à maintenir (ou à peu près) le quantum d'un individu, ce rapport à l'ensemble qui est sa signature personnelle, sa manière d'être (cf Affirmation).
Mais il arrive que le conatus disons primaire, puissance d'agir de notre corps, déconne. (Pourquoi ? Spinoza ne pose pas la question, il n'a pas de temps à perdre avec la métaphysique).
C'est là où l'on a besoin du moteur auxiliaire, le conatus en tant que secondaire : la puissance de penser de notre esprit.
Son possible emploi de moteur auxiliaire repose sur le fait noté par cette proposition : notre esprit n'est pas un pur esprit, à part, un empire dans un empire. (Erreur idéaliste fatale à l'éthique, récusée dans l'introduction à la partie 3 cf La raison du roseau).
L'esprit est l'ensemble (sans cesse émergent) des figures qui se constituent au fur et à mesure de projections mentales du corps, son corps (cf Et en même temps). Ces figures s'inscrivent, mais en quelque sorte codées, il faut les déchiffrer.
La puissance de penser de notre esprit est l'acte de décodage, la traduction en affect-idée de l'affect-sensation qui s'inscrit dans le corps.
Le travail de l'esprit pour re-positiver le conatus déconnant ne consiste donc pas à gommer les affects du corps. Mais à suivre leur dessin, comme s'il était question de lignes, de plans, et ainsi en chercher la logique.
L'acte de penser l'affect libère ainsi une force centrifuge, qui arrache à la prégnance de l'immédiateté. Il ouvre la voie vers plus d'adéquation (plus de « en connaissance de cause »).
Et ainsi (c'est tout l'intérêt) ouvre le passage de la passion à l'action.
Et aussi (encore plus intéressant) de la tristesse à la joie.
Et ce qui est valable pour l'individu l'est pour une société. L'éventuelle paresse à penser du citoyen signe son aliénation aux charmes morbides de la passivité. Et par là sa soumission à un système qui pense pour lui. (C'est à dire souvent contre lui).
Commentaires
C'est quand même étonnant la modernité de cette philosophie !
Et en même temps un peu désolant de voir que quelqu'un avait tout pensé il y a 300 ans et que ça n'a pas servi à grand'chose.
Disons-nous que cela a pu aider à mieux vivre, et aide encore, ceux qui essaient de le lire, comme nous le faisons ...