« Par joie j'entendrai donc, dans la suite, une passion* par laquelle l'esprit passe à une plus grande perfection. Et par tristesse, une passion par laquelle il passe à une perfection moindre (…)
Ensuite, ce qu'est le désir je l'ai expliqué dans le scolie de la prop.9 de cette partie**, et à part ces trois-là je ne reconnais aucun affect primaire : car je montrerai dans la suite que tous les autres naissent de ces trois. »
(Spinoza. Éthique scolie prop.11 part.3)
Entre la prop.11 (note précédente) et son scolie, on ne peut manquer de noter que la notion puissance (d'agir ou de penser) est devenue perfection. Spinoza passe d'un terme à l'autre sans juger bon de s'en expliquer.
Donc ou bien ils sont synonymes dans son esprit, ou bien leur éventuelle différence de sens n'a pas d'incidence sur la nature de la chose. (voir explic. déf.20 part.3 cf Quand il se fait).
Voilà de quoi nous autoriser à ne pas être plus royalistes que le roi, citoyen lecteur. Lâchons donc l'affaire pour l'instant, mais non sans garder cette équivalence en mémoire.
Et tant qu'on y est, histoire que la paresse à penser ne passe pas par nous, je rajouterais bien « Par réalité et perfection j'entends la même chose » (Part.2 déf.6). On creusera ça en temps utile.
En tout cas une chose est claire, joie et tristesse ne correspondent qu'à des variations d'intensité de cette notion, quelque nom qu'on lui donne.
Ce qui les définit n'est donc pas une différente façon d'affecter, mais leur différence de positionnement, par exemple en haut ou en bas si on les figure sur un axe vertical (le langage le fait, lorsqu'il nous promène du trente-sixième dessous au septième ciel).
Spinoza reste cohérent avec le choix de la méthode géométrique.
Considérer l'affect sous l'angle d'une variation d'intensité (mesure physique) «l'objective».
Au contraire sa «qualité» est motif à interprétation subjective, possiblement fallacieuse (le senti-ment dit Lacan) (en tous cas il peut mentir) (oui Lacan aussi tu as raison lecteur).
Enfin, pour déplacer le curseur sur la courbe, il faut un moteur, une énergie : c'est le désir.
Ces trois affects sont dits primaires, on pourrait dire aussi premiers. Ce sont les matériaux de base à partir desquels s'élabore la complexe architecture de notre vie affective (ou affectée) (affectivée).
*Passion = ça se fait plus qu'on ne fait (= on n'en est pas cause adéquate)
** cf Généalogie de la morale