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Inclassable

« Si quelqu'un a été affecté, par quelqu'un d'une certaine classe (classis = catégorie, groupe) ou nation différentes de la sienne, d'une joie ou d'une tristesse qu'accompagne, comme cause, l'idée de celui-ci sous le nom universel d'une classe ou nation : il aimera ou il aura en haine non pas seulement celui-ci, mais tous ceux de la même classe ou nation. »

(Spinoza Éthique part.3 prop.46)

 

Cette proposition expose clairement ce l'on nomme aujourd'hui (assez barbarement mais bon) « essentialisation », réflexe au fondement du mécanisme de l'antisémitisme et de tous les racismes : si ce n'est toi, c'est donc ton frère ...

 

C'est pourquoi ici le sous-texte (cf D'une âme ingrate) se fait évident, et quelque peu poignant. Spinoza, dont la famille avait dû fuir un Portugal devenu hostile aux Juifs, n'a pas manqué d'être en butte, même dans la tolérante Hollande, à la haine visant ceux de (sa) classe ou nation.

Une haine en forme de soupçon : « C'te philosophie plus ou moins athée, ça cache un désir de nuire à la cité. À quoi s'attendre d'autre de la part d'un membre d'un peuple apatride ? »

Dans son livre Le clan Spinoza* Maxime Rovère cite des propos du genre : Spinoza cherche à nous déchirer de ses épines (pour rappel : spinosus = épineux).

Le « nous » en question désignant selon les moments, selon les écrits du philosophe, des classes différentes. Y compris des amis lui voulant (sincèrement) du bien.

Y compris (et c'est le plus piquant de l'affaire) sa classe d'origine, car il ne fut pas en odeur de sainteté non plus auprès de certains courants du rabbinat d'Amsterdam.

 

Bref vouloir penser en homme libre fait de vous l'autre de tous les « nous », l'inclassable de toutes les classes.

 

*(cf Philosophie pratique)

 

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