La foule « ne supporte aucun délai entre son désir et la réalisation de ce qu'elle désire (…) la notion d'impossible disparaît. (…) Extraordinairement suggestible et crédible, elle est dépourvue d'esprit critique, l'invraisemblable n'existe pas pour elle. »
(Freud. Psychologie des foules et analyse du moi chap.2)
L'individu enfoulé* perd conscience des limites. Il se déstructure littéralement, la foule dissout ses repères concrets de temps et d'espace, et surtout ses repères logiques. Ce qui ouvre la voie à la perte des repères moraux.
Cependant Freud (comme Le Bon) n'instruit pas seulement à charge. Il souhaite juger équitablement de la moralité des foules.
Certes « toutes les inhibitions individuelles tombent, tous les instincts cruels, brutaux, destructeurs sont réveillés (…) Mais les foules sont également capables, sous l'influence de la suggestion, de grands accès de renoncement, de désintéressement, de dévouement à un idéal. »
Dans la mesure où les limites de son moi s'y dissolvent, l'individu enfoulé est en effet porté à oublier (un peu et pour un temps bref) son intérêt personnel, qui est pourtant d'habitude « son mobile à peu près exclusif. »
« Alors que l'activité intellectuelle de la foule se situe toujours très au-dessous de celle de l'homme isolé**, son comportement éthique peut tout aussi bien s'élever très au-dessus de ce niveau que descendre très au-dessous. »
Oui enfin s'élever très au-dessus ... à condition pour l'individu en question de partir de vraiment bas, non ?
Le Bon, dit Freud, relève encore deux caractères.
« La foule est soumise à la puissance véritablement magique de mots qui peuvent provoquer dans l'âme des foules les plus formidables tempêtes et les calmer.
Les foules n'ont jamais connu la soif de la vérité. Elles réclament des illusions auxquelles elles ne peuvent renoncer. »
Deux caractères dans lesquels Freud retrouve « la prédominance de la vie fantasmatique (…) déterminante dans la psychologie des névroses. »
*que la foule soit matérielle ou virtuelle, dans l'anonymat du net.
**quand on est plus de quatre on est une bande de cons dit Brassens encore plus sévèrement (car mettant le seuil critique de l'enfoulement fort bas).