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(9/14) Perdre et anéantir la vérité

« Nous n'apprenons à disputer que pour contredire, et chacun contredisant et étant contredit, il en advient que le fruit du disputer c'est perdre et anéantir la vérité. Ainsi Platon, en sa République, prohibe cet exercice aux esprits ineptes et mal nés. »

(Montaigne Essais III,8 De l'art de conférer)

 

Je suis pas toujours d'accord avec Platon, c'est le moins qu'on puisse dire, mais là il tient un truc, c'est sûr.

Si nous regardons par exemple les disputes entre opposition et majorité au gré des alternances de gouvernement, il est clair qu'on est davantage dans la dispute au sens moderne qu'au sens de Montaigne, c'est à dire débat.

Trop nombreux sont les politiciens à se délecter, avec une gourmandise obscène, de l'esprit de contradiction, le seul qui les anime hélas.

Car pour l'esprit de responsabilité, de dialogue, ô les plus lamentables des êtres, (certains) n'en (eurent) jamais un atome, et de lettres ...

 

Prohiber cet exercice aux mal nés (à supposer d'ailleurs qu'on arrive à définir vraiment ce que cela veut dire) : non évidemment, l'élitisme platonicien est un conservatisme, un mode de reproduction au sens de Bourdieu.

 

En revanche en écarter les ineptes, que je définirais comme ceux qui ne font aucun effort pour s'adapter aux autres, aux modifications des situations, serait un garde-fou contre les dangers potentiels de LA Vérité (cf 8/14).

 

Bon, je vois l'objection : c'est chose fort discutable en démocratie, je l'admets, que d'écarter certaines voix du débat (sauf bien sûr dans les cas tombant sous le coup de la loi : diffamation, appel à la haine, harcèlement etc.) (et qui sont si l'on y songe exacerbation d'ineptie, d'incapacité d'adaptation).

Disons que, sans les exclure, il s'agit de tenir les voix ineptes à une distance suffisante pour qu'elles ne polluent pas trop le débat.

La distance, la médiation de la réflexion et du temps qui lui est nécessaire, sont de bons antidotes à l'immédiateté pulsionnelle qui fait le lit de l'ineptie.

Et pas que de l'ineptie.

 

« Il est impossible de traiter de bonne foi avec un sot. Mon jugement ne se corrompt pas seulement à la main d'un maître si impétueux, mais aussi ma conscience. »

 

La corruption du jugement se répare par un travail d'information, réflexion, rationalisation.

Effort somme toute facile.

Plus difficile est l'effort éthique de résister à la corruption de la conscience, au plaisir aussi malsain qu'inepte de la mauvaise foi, plaisir impétueux entre tous.

 

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