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(10/14) La clôture dialectique

« Ce n'est pas tant la force et la subtilité que je demande, comme l'ordre. (…) On répond toujours trop bien pour moi, si on répond à propos. Mais quand la dispute est trouble et déréglée, je quitte la chose et m'attache à la forme avec dépit et indiscrétion, et me jette à une façon de débattre têtue, malicieuse et impérieuse, de quoi j'ai à rougir après. »

(Montaigne Essais III,8 De l'art de conférer)

 

Manque d'ordre et de méthode observable dans beaucoup de nos prétendus débats, sous l'effet d'une réaction en chaîne. Ça commence par le tropisme des résasociaux* pour le non-débat au profit du binaire pavlovien adhésion ou rejet.

Les télés d'info en continu se calquent sur ce fonctionnement, avec des pseudo-débats en 3I (inculture irrationalité ineptie). Puis les journaux d'autres chaînes s'accrochent à l'info en continu. Enfin, la presse en général rame désespérément pour chercher à raccrocher le train (d'enfer).

Mais le plus préoccupant est de voir ce mode essentiellement affectif, voire pulsionnel, gagner jusqu'aux assemblées politiques.

 

Allez rions un peu. Galerie de portraits d'ineptes, têtus et malicieux, par exemple à l'Assemblée Nationale le jour des questions au gouvernement (= présence de la presse = chacun veut faire le buzz.)

 

« Qui se prend à un mot et une similitude », réflexe pavlovien d'associations qui font chiffon rouge.

« qui ne sent plus ce qu'on lui oppose, tant il est engagé en sa course ; et pense à se suivre, non pas à vous. » Ne suivre que son idée, ne considérer comme débat que l'acceptation indiscutée de son propre point de vue : style on lâchera rien ...

 

« Qui, se trouvant faible de reins, craint tout, refuse tout, mêle dès l'entrée et confond le propos. » Genre balancer des amendements-barrages, faute d'aptitude à dessiner un chemin en propositions articulées et réalistes.

Comportement passif-agressif typique : empêcher l'autre de faire ce qu'on se sait incapable de faire, soi.

 

« L'autre compte ses mots, et les pèse pour raisons. Celui-là n'y emploie que l'avantage de sa voix et de ses poumons (…) et celui-ci qui vous assourdit de préfaces et digressions inutile ! Cet autre s'arme de pures injures et cherche une querelle d'Allemagne pour se défaire de la société et conférence d'un esprit qui presse le sien. Ce dernier ne voit rien en la raison, mais il vous tient assiégé sous la clôture dialectique de ses clauses et sur les formules de son art. »

Poser à l'orateur à la Jaurès, à la Danton, alors qu'on ne fait que vaticiner sénilement sur de vieilles lunes.

Et, juste parce qu'on aime s'écouter parler, croire que les autres vont aimer vous entendre, et vouloir vous croire.

 

Bref on fait joujou avec la démocratie, insoucieux de la casser, elle, notre bien commun si précieux. Mais si fragile. 

 

*je vise par là, on l'aura compris, ce que les réseaux dits sociaux peuvent véhiculer d'a-social, d'im-poli.

 

Commentaires

  • Constats partagés, la préoccupation aussi.

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