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(14/14) Irrésolu(e)

« La sottise et dérèglement de sens n'est pas chose guérissable par un trait d'avertissement (…) Nous devons ce soin aux nôtres, et cette assiduité de correction et d'instruction ; mais d'aller prêcher le premier passant et régenter l'ignorance ou l'ineptie du premier rencontré, c'est un usage auquel je veux grand mal. »

(Montaigne Essais III,8 De l'art de conférer)

 

Montaigne répète souvent cette idée qu'on ne peut finalement enseigner que soi-même (et encore), qu'il est vain de tenter de le faire auprès des autres.

Surtout en adoptant un mode sermonneur ou doctoral.

« Le parler que j'aime, c'est un parler simple et naïf, non pédantesque (doctoral), non fratesque (style sermon d'un frère prêcheur), non pleideresque (style effets de manche d'un avocat), mais plutôt soldatesque (style brièveté efficace d'un ordre militaire). »

(Essais I,26 De l'institution des enfants)

 

Ce mode n'est jamais le sien certes, mais cela n'empêche pas le suffisant lecteur (cf 12/14) de se demander si au fond on ne pourrait pas voir le livre tout entier des Essais comme une grande prétérition, courant de chapitre en chapitre. Je la formule ainsi :

« Ce n'est pas la leçon d'autrui c'est la mienne » (De l'exercitation II,6) dit-il.

Oui, d'accord, mais il se trouve quand même que c'est à nous lecteurs que ce discours s'adresse.

 

Cela étant, pourquoi est-ce peine perdue d'essayer de guérir la sottise et dérèglement de sens ? Parce que, comme dit Maxime Rovère (Que faire des cons ? pour ne pas en rester un soi-même Flammarion 2019), il est de la nature du con de s'obstiner. Plus on essaie de le raisonner, plus il s'obstine.

Version Montaigne

« L'obstination et ardeur d'opinion est la plus sûre preuve de bêtise. Est-il rien certain, résolu, dédaigneux, contemplatif, grave, sérieux, comme l'âne ? »

(âne ou cheval, Montaigne a choisi – ce qui est peut être un peu injuste pour l'âne, mais c'est pas le sujet).

 

L'ennui pour l'ensemble de la société, c'est que ces cons, du fait même qu'ils ne doutent pas d'eux, sont plus convaincants que les non-cons auprès de ceux qu'il faudrait convaincre, c'est à dire les autres cons. Vous suivez ?

 

« C'est aux plus mal habiles de regarder les autres hommes par-dessus l'épaule, s'en retournant toujours du combat pleins de gloire et d'allégresse. Et le plus souvent encore cette outrecuidance de langage et gaieté de visage leur donne gagné à l'endroit de l'assistance, qui est communément faible et incapable de bien juger et discerner les vrais avantages. »

 

Conclusion ? De tout ceci j'essaie pour ma part de me consoler en savourant, encore et encore, les mots de Monsieur des Essais, à l'exact l'inverse de cet âne résolu :

 

«Si mon âme pouvait prendre pied, je ne m'essaierai pas, je me résoudrai. Mais elle est toujours en apprentissage et en épreuve. »

(Essais III,2 Du repentir)

 

Commentaires

  • Habitant la Cité des Anes, je renchéris : "ce qui est peut être un peu injuste pour l'âne".

  • Oui pauvres ânes injustement décriés et moqués. Ils ont leur petit caractère, mais ils sont au total bien serviables.
    Et la cité des Anes est en effet magnifique, ai-je vu dans ton blog ...

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