Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

(1/12) Sans ordre et sans propos

« Dernièrement que je me retirai chez moi, délibéré autant que je pourrai, ne me mêler d'autre chose que de passer en repos et à part ce peu qui me reste de vie,

il me semblait ne pouvoir faire plus grande faveur à mon esprit, que de laisser en pleine oisiveté, s'entretenir soi-même, et s'arrêter et rasseoir en soi (...)

Mais je trouve que, au rebours, faisant le cheval échappé, il (…) m'enfante tant de chimères et monstres fantasques les uns sur les autres, sans ordre et sans propos,

que pour en contempler à mon aise l'ineptie et l'étrangeté, j'ai commencé de les mettre en rôle, espérant avec le temps lui en faire honte à lui-même. »

(Montaigne Essais I,8 De l'oisiveté)

 

Comme si, par un tour de passe passe temporel, il avait lu les mots fameux de Pascal (on sait que Pascal, lui, l'a lu de très près), Montaigne décide de demeurer en repos en une chambre.

En l'occurrence la tour à côté du corps du château, son domaine réservé pour lire, écrire, recevoir ses happy few (consignes strictes à la maisonnée pour écarter les importuns).

Retrait intermittent, à géométrie variable. Au fil des vingt ans d'écriture des Essais, il continue sa vie publique, en pointillés. Son long voyage en Europe fait césure dans la vie comme dans l'œuvre (cf III,9 De la vanité). Et puis, même dans les périodes où il ne quitte pas Montaigne, rares sont les jours où il ne s'accorde pas virée à cheval ou partie de chasse.

Bref, pour faire un rapprochement qui te parlera lecteur-trice, il décide de se donner les avantages d'un confinement sans les inconvénients.

Du temps devant soi et rien qu'à soi sans pression, rassis en soi, pour organiser sa réflexion, méditer : super, non ?

 

Mais voilà, tout Montaigne qu'on soit, ce n'est pas comme ça que ça marche. L'esprit cavale à sa guise, plus difficile à mener qu'un étalon fougueux. Que faire ?

Discipliner sa pensée, lui tracer des chemins où elle renâclera ? Plutôt lui laisser la bride sur le cou, la laisser aller à sa guise.

Avec un objectif, un seul : la mettre en rôle. En tenir registre.

Décision humble et audacieuse qui est le coup de génie créateur des Essais.

 

Toutes choses égales par ailleurs, je m'en vais enrôler aussi. Et pareil sans ordre et sans propos.

Quoique : le besoin de tenir des propos, et en outre plutôt en ordre, je crains que ce ne soit dans mon caractère (on choisit pas, hein). J'espère juste trouver là une piste d'écriture divertissante.

Divertissante au sens pascalien faut-il le préciser, hélas pour toi lectrice-teur. (Et pour moi donc).

 

Commentaires

  • Sans propos mais pas hors propos, j'imagine.

  • Ce n'est pas sûr mais bon ... L'auteur donne son propos, et puis au lecteur, à la lectrice, de juger de son à-propos.

Les commentaires sont fermés.