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(9/12) Penser (pour rien)

« Aujourd'hui j'arrête de penser. J'aurais dû y penser avant. Je ne comprends pas comment l'idée ne m'en est pas venue plus tôt. Ça m'aurait bien simplifié la vie. J'aurais dû me laisser vivre, comme on dit si bien. Mais non, au lieu de ça, j'ai pensé »,

se reprochait-elle.

 

« Car peut-on à la fois vivre et penser ? Non bien sûr ça tombe sous le sens. Pourquoi m'a-t-il fallu tout ce temps pour le comprendre ? Par quelle absurdité n'ai-je passé mon temps à vivre que réflexion faite, que tout bien pesé »,

s'interrogeait-elle.

 

« Penser, peser, le même mot. Je le savais pourtant, je l'ai su, très tôt, avant même d'avoir l'âge de raison. Penser ou être léger, tel est le choix. Oui mais on tombe sur une aporie, car choisir, vraiment choisir, ne peut se faire qu'en connaissance de cause »,

argumentait-elle.

 

« Quoique »,

objectait-elle,

« ce n'est pas exactement entre vivre et penser l'incompatibilité. N'est-elle pas plutôt entre percevoir et penser ? Sachant que penser met en jeu un stock de données engrangées, mobilise la mémoire, même pour une pensée minimale, il faut nécessairement du temps pour penser. Même très peu, un laps de temps très court, presque imperceptible, par exemple quand l'on pense en un éclair »,

raisonnait-elle.

 

« Chose qui m'arrive parfois »,

constatait-elle.

« Mais l'éclair n'éclaircit pas les idées, on dit même sa lumière aveuglante»,

élucidait-elle.

(« Tout s'explique »

entreparenthésait-elle avec auto-ironie).

 

« Alors que percevoir est par définition chose radicalement immédiate »

reprenait-elle.

« Être et percevoir sont ainsi nécessairement confondus »

déduisait-elle.

« Mais pas avec la même nécessité être et penser. Quoiqu'en pense Descartes »,

philosophait-elle.

« Quoique. Descartes ne confond pas être et penser, puisqu'il les médiatise avec ce fameux donc. Ah mais voilà qui risque de mettre à terre tout mon raisonnement anti-pensée »,

concluait-elle.

 

« Car la question est »

(ah donc ne concluait pas encore, au temps pour moi)

« la question est : avec son donc Descartes constate-t-il juste que penser est en quelque sorte une preuve de vie (comme on photographie un otage avec le journal du jour), que vivre et penser sont concomitants sans qu'il faille y chercher une relation de cause à effet ? Ou bien affirme-t-il que pour être il faut penser ? Dans les deux cas, il est clair qu'il faut que je reprenne toute ma réflexion. Bref c'est pas aujourd'hui que je vais pouvoir arrêter de penser »,

concluait-elle. (Oui ? Ça y est cette fois?)

« D'ailleurs ça tombe bien, j'ai rien d'autre à faire. Et puis ... »

(Ah non, stop !)

 

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