Écrire, qu'est-ce à dire ? Vaste question. Je vais parler pour moi.
Si j'écris c'est je crois bien parce que j'ai peur que le monde existe moins, que les choses de la vie se perdent si je ne les écris pas. Si je ne les enrôle pas, pour le dire au mieux avec Montaigne (qui d'autre).
Le monde, les choses, pas dans leur réalité objective, évidemment : ils n'ont besoin ni de moi, ni de personne, pour être là.
Non, ce que je m'escrime à enrôler par peur de le perdre, c'est la façon dont je ressens les choses, l'écho particulier qu'elles provoquent en moi. C'est certes le fait de chacun, de ressentir les choses à sa façon.
En chacun toute chose résonne, dans la rencontre entre ce qu'elle est et ce qu'il est.
Seulement beaucoup de gens, la plupart il me semble, se moquent de noter cette résonance, et parfois même y font à peine attention. (Mais comment savoir on ne voit que la surface).
D'où vient chez certains cette peur de perdre le monde, et qu'il s'évanouisse ? Peur de perdre le monde, ou peur de se perdre, soi ? Les deux ensemble sans doute. Tout besoin d'écrire inclut, parfois en (se) le cachant, le besoin de s'écrire (à) soi.
En toute personne qui cherche à laisser trace de son écho au monde, il y a quelque chose de Narcisse.
La trace peut prendre différentes formes, création artistique, artisanale, impression d'une marque sur un domaine de la société. Il y a des Narcisses au pinceau, au piano, au marteau, au bureau même. Et il y a les Narcisses au stylo.
OK stylo c'est pour l'assonance. Narcisse aujourd'hui est au clavier, après avoir été au burin, au calame, à la plume d'oie ou d'acier.
Bon ça suffit les bêtises : ces citations glanées sur internet, pour que tu ne sois pas venu pour rien dans cette page, ô lecteur aux mille patiences.
« Un chef d'œuvre de la littérature n'est jamais qu'un dictionnaire en désordre » (Jean Cocteau)
Aussi astucieux qu'Ulysse-personne (cf 2/12)
« Écrire c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit » (Marguerite Duras)
C'est beau. Mais c'est triste. Mais c'est beau. Duras, quoi.
« Qu'est-ce qui pousse certains auteurs à se cacher derrière un pseudonyme ; est-ce qu'un écrivain, finalement, possède une existence réelle ? » (Paul Auster)
Non sans doute. Précisément : il se fabrique un monde d'écriture où tout est tellement plus facile que dans la vraie vie, il se protège comme il peut de la rugueuse réalité.
Commentaires
Parler pour soi, écrire pour les autre, ou l'inverse, ce sont des façons de vivre, finalement.
J'aime beaucoup la citation de Duras, merci.
les autreS !
Oui c'est vrai, des façons de vivre, c'est déjà pas mal. Et j'ajoute (pour ma gouverne) ce que dit Montaigne à propos d'écrire : "En un siècle où le méchamment faire est si commun, de ne faire qu'inutilement il est comme louable". (Essais III, 9 De la vanité)