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(6/21) Bon public

L'adolescent aime poser à l'indocilité, il feint de n'avoir pas envie d'apprendre (du moins ce que ses profs lui proposent, ou ses parents).

 

Beaucoup de vieux ne font pas semblant : ils pensent vraiment n'avoir plus rien à apprendre (du coup le mot penser se discute). Et ils abreuvent les plus jeunes de leurs conseils et vaticinations. En général sur un mode bougon de mon temps on savait ça, on faisait pas ça, on était plus ci, moins ça…

Bref c'est le genre de vieux à qui on a irrésistiblement envie de rétorquer le temps ne fait rien à l'affaire. Cela peut d'ailleurs servir de test. Celui qui capte le sous-entendu n'est pas totalement irrécupérable.

 

Mais si le vieux n'est pas trop con, il sait le reconnaître : tant qu'il y a de la vie il y a de quoi découvrir. Sur le monde, sur les autres. Sur soi-même aussi.

On gagne en lucidité. Ce n'est pas exactement parce qu'on gagne en intelligence ou vertu.

C'est plutôt parce qu'on perd : des défenses, des inauthenticités, des vanités.

 

Et puis tout simplement on apprend parce que c'est tout ce qu'il reste à faire.

« Notre vie, disait Pythagoras, retire (ressemble) à la grande et populeuse assemblée des jeux olympiques. Les uns y exercent le corps pour en acquérir la gloire des jeux ; d'autres y portent des marchandises à vendre pour le gain.

Il en est, et qui ne sont pas les pires, lesquels ne cherchent autre fruit que de regarder comment et pourquoi chaque chose se fait, et êtres spectateurs de la vie des autres hommes, pour en juger et régler la leur. »

(Montaigne Essais I,26 De l'institution des enfants)

 

Le vieux, fût-il dans une forme olympique, doit admettre qu'il n'est plus dans la course. Il n'a plus grand chose à gagner et encore moins à vendre. Il est de fait assigné à la position sceptique dont Montaigne parle ici.

Cette place en retrait de spectateur peut être vécue, ça se comprend, sur le mode de la frustration. Surtout pour ceux qui ont eu l'occasion d'avoir des rôles de premier plan, de tenir la vedette.

Mais même pour ceux qui n'ont eu que de petits emplois, ont joué les utilités, c'est pas facile. Il faut accepter de s'effacer. Ou plutôt d'être effacé.

Vous êtes désormais transparent(e), et comme disent les jeunes, on ne vous calcule plus autant.

 

Reste une chose à faire : être bon public. Public actif, participatif, attentif, stimulant, pour aider les acteurs du jour à donner le meilleur d'eux-mêmes.

 

 

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