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(9/21) A l'aigre et au moisi

« C'est assez avoir vécu pour autrui, vivons pour nous au moins ce bout de vie. Ramenons à nous et à notre aise nos pensées et nos intentions.

Ce n'est pas une légère partie que de faire sûrement sa retraite ; elle nous empêche assez sans y mêler d'autres entreprises.

Puisque Dieu nous donne le loisir de disposer de notre délogement, préparons-nous y ; plions bagage ; prenons de bonne heure congé de la compagnie ; dépêtrons-nous de ces violentes prises qui nous engagent ailleurs et nous éloignent de nous. »

(Montaigne Essais I,39 De la solitude)

 

Pour le dire moins élégamment chacun sa merde maintenant, il est temps d'être une vieille dame indigne (ou un vieux monsieur).

Quoique indigne : pas forcément. Ce retrait n'est pas qu'égoïsme, c'est un service à rendre à la société quand la vieillesse fait de vous quelque chose d'inutilisable.

Disons quand baisse le rapport qualité/prix de votre contribution à la société.

« Il est temps de nous dénouer de la société, puisque nous n'y pouvons rien apporter. Et qui ne peut prêter, qu'il se défende d'emprunter. » (I,39)

 

Mais le retrait, même confortable, même bien accepté, comporte un piège.

« En cette chute, qui le rend inutile, pesant et importun aux autres, qu'il se garde d'être importun à soi-même, et pesant, et inutile. Qu'il se flatte et se caresse, et surtout se régente, respectant et craignant sa raison et sa conscience, si qu'il ne puisse sans honte broncher en leur présence. » (I,39)

Comment entendre et surtout se régente ?

Se défaire du côté pesant du surmoi social, puisqu'on n'a plus grand chose à faire avec (et surtout pour) la société, se dorloter un peu (et apprendre à le faire si on n'a jamais su, il n'est jamais trop tard), est nécessaire pour adoucir les rigueurs de son dernier temps.

« Il faut retenir à tout nos dents et nos griffes l'usage des plaisirs de la vie, que nos ans nous arrachent des poings, les uns après les autres. » (I,39)

 

Mais il n'est pas question pour autant de lâcher sur raison et conscience, au prétexte qu'il faut bien se dédommager d'être vieux.

Physiquement, en vieillissant on se tasse, on se ratatine, on a tendance à perdre des centimètres (perso je lutte par la gym vu que je ne pars pas de très haut).

Mais pas question de s'avachir moralement, en devenant égoïste, râleur, et scrogneugneu. En un mot vieux con.

Et ça c'est pas gagné.

 

« Outre une sotte et caduque fierté, un babil ennuyeux, ces humeurs épineuses et inassociables, et la superstition, et un soin ridicule des richesses lors que l'usage en est perdu, j'y trouve (dans la vieillesse) plus d'envie, d'injustice et de malignité.

Elle nous attache plus de rides en l'esprit qu'au visage ; et ne se voit point d'âmes, ou fort rares, qui en vieillissant ne sentent à l'aigre et au moisi. »

(Essais III,2 Du repentir)

 

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