Vivre, quelle histoire. Belle, moche ?
Une longue histoire en ce qui me concerne, lestée que je suis de mes neuf décennies.
Une histoire constituée de mille histoires emboîtées, tels les récits-gigognes des Mille et une nuits. Il me semble en effet que ce n'est nullement une seule vie qui me fut donnée.
Bien plutôt un tel nombre qu'il est impossible d'en déterminer le compte.
Outre que compter est une idée stupide en l'occurrence.
Que devrions-nous compter d'une existence ? Les êtres chéris, les lieux où nous nous sommes trouvés ? Les emplois exercés, les fonctions occupées ?
Les jours, les nuits, les joies, les peines, les erreurs, les bons choix ?
Peut être comme pour l'héroïne des Mille et une nuits l'enjeu est-il plutôt de conter ? Enjeu existentiel du crépuscule de l'existence : formuler les histoires dont on fut le héros, l'héroïne, les regrouper en une seule et dire : c'est mon histoire, c'est moi.
Pour l'heure, rendue que je suis sur les confins du bout du chemin, où se profilent clôture du compte et dénouement du conte, me vient de dire ce que je veux retenir de l'histoire.
S'estompe le dur, perdure le doux,
se dissolvent les pleurs, les peurs et les tourments,
demeure une entière joie,
guérissent les blessures des épines,
et persiste l'odeur des roses.
Commentaires
Plusieurs vies, oui, je me le dis régulièrement. Merci pour ce délicieux premier "lipo" si joliment conclu.
La suite ne sera pas toujours dans le même climat ... Et je n'ai pas vraiment choisi. La contrainte donne un sujet (c'est à dire bien sûr fait émerger quelque chose qu'on voulait dire, mais sans toujours le savoir). Après on travaille autour.