Comme je l'ai déjà fait dans ce blog (juill-sept 2016) je m'en vais de cette plume te proposer, lectrice-teur, une série de petits textes en lipogrammes déclinant l'alphabet.
En toute flemmardise je reprends (à peu de chose près) pour cette seconde série la présentation que je faisais de la première.
Le plaisant dans la contrainte d'écriture, c'est qu'elle dispense du pourquoi au profit du comment. Le Sens, le Message ?
Ils se délivreront d'eux-mêmes, émergeront du texte, comme la forme sculptée émerge du dialogue entre la pierre et le ciseau.
Ou bien ils n'émergeront pas, et peu importe.
Le texte n'aura peut être, sinon aucun sens, du moins pas de projet quant à son message. Il se contentera d'offrir, à qui l'écrit, à qui le lit, un petit moment de jeu avec les mots, qui feront entendre ce qui viendra, comme ça viendra.
La contrainte a ses lettres de noblesse, en poésie particulièrement.
Elle est une muse de bon conseil, et plus encore de bonne compagnie.
Elle est aussi, la contrainte, une madone objet du culte empressé de tout atelier d'écriture qui se respecte.
Et ce n'est que justice : quelle autre divinité peut vous faire créateur avec si peu de chose ?
Parmi les contraintes figure en bonne place le lipogramme. Du grec leipein = enlever et gramma = lettre, il consiste à bâtir un texte en excluant une lettre du matériel alphabétique dont nous disposons.
L'exemple le plus connu pour la littérature française est le roman de Georges Perec (1936-1982, grand oulipien*) La Disparition, construit sur lipogramme du E.
Comme cela a été vu par les commentateurs, c'est en excluant de sa fiction le E que Perec signe la poursuite de sa propre histoire, après la disparition d'eux, son père tué à la guerre, sa mère assassinée à Auschwitz.
Ainsi La Disparition, outre rendre baba devant la virtuosité, l'inventivité de son auteur, révèle une propriété de la contrainte : sa simple formulation peut suffire, si on sait la lire, à donner le sujet d'une histoire.
*oulipo : ouvroir de littérature potentielle. Autres membres célèbres Queneau, Calvino, Roubaud. Ils ont conçu des contraintes souvent à la fois poétiques (option surréalisme) et mathématiques.