Foi en la providence, en une justice transcendante qui compensera un jour les souffrances …
Sauf que tôt ou tard, un jour ou l'autre, on vient buter sur le mur de la réalité ultime. On a beau se raconter toutes les histoires qu'on veut, qu'on peut, on sait bien au fond que c'est elle qui a toujours le dernier mot.
« Tout va vers un lieu unique, tout vient de la poussière et tout retourne à la poussière. Qui sait si le souffle des fils d'Adam monte vers le haut tandis que le souffle des bêtes descend vers la terre ?»
(Qo 3,20-21)
Question rhétorique qui récuse, dans une logique matérialiste, la notion d'immortalité de l'âme (comme dans la plupart des textes bibliques du premier testament).
Quand le déserte le souffle de vie, ne reste de l'Adam que la poignée de terre dont il est fait, il se dilue en poussière. Poussière, fumée, deux métaphores jumelles de la radicale évanescence de l'existence humaine.
Bilan de la recherche du Qohélet : non-sens en deçà, non-sens au delà. Le pari pascalien ? Même pas en rêve.
Alors, pragmatique, il revient à la question du bonheur terrestre, la seule qui garde quelque validité.
« Qui sait ce qui est le mieux pour l'humain pendant l'existence, pendant les nombreux jours de sa vaine existence qu'il passe comme une ombre ?» (6,12)
Qui sait ? Il y a peut être un dieu pour savoir. Mais on a vu qu'il garde la réponse pour lui : « sans que l'homme puisse découvrir l'œuvre que fait Dieu depuis le début jusqu'à la fin ». (3,11)
Alors le Qohélet se donne sa propre réponse.
« Je vois qu'il n'y a rien de mieux pour l'homme que de jouir de ses œuvres car telle est sa part. Qui en effet l'emmènera voir ce qui sera après lui ? » (3,22)
Jusqu'alors il voyait surtout la fumée, en était obnubilé. Mais il y a comme une éclaircie dans le brouillard et le Qohélet ici voit au mieux qu'il peut.
Impossible d'accéder à l'après : très bien, reste maintenant. Telle est la part humaine du temps. La part qu'il peut tenir en main : jouir de ses œuvres à lui dans son temps à lui. C'est sur ce carpe diem que se termine le chapitre 3.
Le texte, à cet endroit, a livré l'essentiel de son propos, à mon sens. Ensuite, il parcourt une spirale de répétition. Comme si l'on montait et descendait un escalier, avec, sans surprise, vanité à tous les étages.
L'espoir de justice, le succès, le pouvoir (chap.4,10), la religion elle-même car Dieu est dans le ciel et toi sur la terre (chap.5,1). La richesse, une vie longue (chap.6), la sagesse (chap.7,8,11) : vanités sur vanités, juste des nuances de noir dans la fumée.