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Un temps pour tout (13/16) Et je fais l'éloge de la joie

« Je vois qu'il n'y a rien de mieux pour l'humain que de jouir de ses œuvres car telle est sa part. » (Qo 3,22)

 

Le comparatif mieux énonce la relativité, écarte l'absolu. La phrase répond, dirait-on, à « Dieu vit tout ce qu'il avait fait. Voilà, c'était très bon. » (Gen1,31).

Réponse précautionneuse que ce comparatif, face au superlatif proclamé par le divin dans l'enthousiasme de son acte créateur. Telle est sa part  est affirmation d'humilité (humus = adama), renonciation à l'hubris.

Chacun son domaine : à Dieu l'absolu de la vie, à l'humain une part de vie, limitée. Sa vie.

 

Ce carpe diem va devenir l'autre refrain du texte, en contrepoint régulier de la ritournelle sur la vanité. Le fils lumineux entrelacé au fil noir (cf 6/16).

Pour mieux en saisir la portée, mettons-le en regard de la double invalidation de l'existence à laquelle il répond. D'abord la mort est le dernier mot de l'existence.

En outre, contrairement aux croyances religieuses, vaines comme le reste, nulle justice transcendante pour réparer dans l'au-delà une existence qui aura rencontré l'injustice et la souffrance ici-bas.

« Regardez les pleurs des opprimés : ils n'ont pas de consolateur (…) Et moi je félicite les morts qui sont déjà morts plutôt que les vivants qui sont encore en vie. Et plus heureux que les deux celui qui n'a pas encore été, puisqu'il n'a pas vu l'œuvre mauvaise qui se pratique sous le soleil. » (4,1-3)

« Il y a une chose certaine : un chien vivant vaut mieux qu'un lion mort. Car les vivants savent qu'ils mourront ; mais les morts ne savent rien du tout (…)

Tout ce que ta main se trouve capable de faire, fais-le par tes propres forces ; car il n'y a ni œuvre ni bilan ni sagesse dans le séjour des morts où tu t'en iras. » (9, 4-5 et 10)

 

Bref le Qohélet a compris Que philosopher c'est apprendre à mourir. C'est son côté stoïcien.

Cependant, comme Montaigne, il apprendra surtout à tracer son chemin personnel d'existence, en associant à la lucidité stoïcienne, parfois abstraite, une vision épicurienne terre à terre, proposant à l'adam de limiter son désir aux plaisirs naturels et nécessaires.

Le mieux qu'on ait à faire de sa vie, c'est cultiver au jour le jour le plaisir de vivre. Ni plus ni moins.

« Il est un fait, sur la terre, qui est vanité : il est des justes qui sont traités selon le fait des méchants et des méchants qui sont traités selon le fait des justes.

J'ai déjà dit que cela est vanité et je fais l'éloge de la joie ; car il n'y a pour l'homme sous le soleil rien de bon sinon de manger, de boire, de se réjouir ; et cela l'accompagne dans son travail durant les jours d'existence que Dieu lui donne sous le soleil. » (8,14)

La vie est vanité, on vit pour rien. La joie de vivre est l'autre face du pour rien, sa face lumineuse. La joie de la gratuité.

 

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