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La passion de la raison (22/22) Post scriptum en forme de parallèle

Au fur et à mesure de mon imprégnation des écrits de Germaine de Staël, j'ai été amenée au rapprochement avec devinez qui devinez quoi : Montaigne et ses Essais.

« Toutes choses égales par ailleurs » certes. Quoique.

Elles sont au fond bien plus égales qu'on ne croirait au premier abord.

Tous deux vivent et écrivent dans une période historique de mutations. Et des mutations qui ne se font pas sans douleur. Tous deux ont subi de très près la violence politique, le fanatisme, le fameux esprit de parti.

Tous deux ont réussi à garder leur lucidité dans la folie ambiante. Tous deux ont cultivé malgré tout un espoir que l'humanité persisterait en humanité.

Mme de Staël parce qu'elle était nourrie du projet émancipateur des Lumières, lectrice de Montesquieu, Voltaire, Rousseau.

M. des Essais parce qu'il était nourri de l'humanisme universaliste de la Renaissance, lecteur des philosophes antiques, d'Erasme, de Rabelais.

Ils ont tous deux associé foi humaniste et pragmatisme sans illusion. Dans leurs écrits comme dans leurs actes.

Ou, comme le dit si bien Montaigne, en allant « de la plume comme des pieds ».

J'ai pour ma part trouvé dans la lecture de Germaine un plaisir comparable à ma lecture des Essais.

Même présence authentique de la personne derrière les mots, même intelligence, lucidité, subtilité, humanité profonde.

Même façon aussi de mêler, de faire dialoguer, l'intime et le général, le personnel et le politique.

Bon à vrai dire je trouve Michel plus facile et agréable à lire.

Germaine a tendance à faire des phrases de 3 km, bien construites d'accord mais quand même un peu indigestes.

Michel est souvent très dense, mais il a le don du mot, de la formule qui fait déclic. Il est un styliste vraiment hors du commun, tellement inventif, incisif, drôle et profond à la fois (oui je sais je l'ai déjà dit beaucoup de fois, mais quand on aime, hein ...)

Et puis surtout il y a ce mouvement dans son écriture, ça bouge, ça varie tout le temps, c'est vivant en fait.

Germaine a parfois de vrais bonheurs de plume, surtout quand elle parle psychologie, mais d'humour pas vraiment. Non qu'elle se prenne au sérieux au mauvais sens du terme. Mais écrire drôle sur des choses difficiles c'est pas donné à tout le monde.

Et puis surtout elle est déjà dans l'esthétique romantique qui a tendance à valoriser le pathos.

Cependant, au plan de l'analyse proprement politique, les écrits de Germaine sont disons plus élaborés que ceux de Michel.

Faut dire qu'étant en aval du temps par rapport à lui, elle avait forcément plus de matière encore. Et puis Michel ne veut pas, dit-il, se mêler d'enseigner autrui (de façon formelle en tout cas).

Germaine, elle, tout en partageant la conviction qu'elle écrit d'abord à son propre usage (cf 21), assume de parler aussi pour guider autrui.

Mais à sa façon toute de sensibilité, de bonté, de tact, que j'espère la lecteur-trice aura goûtée autant que moi.

 

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