J'attends à la caisse de Monoprix. Entrent une mère et sa fille, qui peut avoir trois ans. « Ah c'est beau ! » s'exclame l'enfant, faisant retourner les têtes et je suppose épanouir des sourires sous les masques.
Je regarde mieux l'objet de son admiration : c'est le présentoir des produits de beauté, flacons, rouges à lèvres, vernis à ongles etc. Bon d'accord y a des couleurs, ça brille un peu par endroits, mais de là à s'extasier …
Quoique.
Sans manifester aussi spontanément mon enthousiasme, j'avoue que j'aime, j'ai toujours aimé, flâner dans les rayons de Monoprix. J'en ai connu beaucoup, dans les différentes villes où j'ai vécu, où je suis passée.
Et tiens oui, je me souviens du premier, à Marseille aux Cinq-Avenues, j'étais à peine plus vieille que notre petite esthète du quotidien.
(La chaîne s'appelait alors Prisunic. Comment interpréter le passage du latin au grec qui se fit quelque temps après ?) (Quand de même on cessa d'aller voir l'oculiste pour consulter l'ophtalmologue ...)
Je flâne, j'explore un à un les articles d'un rayon, sans aucune intention, sans aucun besoin d'acheter quoi que ce soit.
Je passe d'un rayon à l'autre, telle une abeille qui butine, je tourne, je vais, je viens, je reviens, touchant une étoffe (moins depuis la pandémie, bien que j'aie consciencieusement enduit mes mains de gel bénit à l'entrée), approchant de mon visage, devant un miroir, plusieurs couleurs de robes : laquelle m'irait le mieux, au teint, aux yeux ?
Régulièrement mon manège attire l'attention du vigile.
La petite bonne femme là, OK elle a l'air proprette et tranquillette, mais faut pas s'y fier, aussi bien c'est une kleptomane, ou pire elle est associée à un gang de jeunes, elle détourne l'attention pendant que les filles enlèvent les antivols des articles.
Alors je prends un malin plaisir (non je veux dire un innocent plaisir, monsieur le vigile) à compliquer mes tours et mes détours. Montant par l'escalator, redescendant par l'escalier, je suis passée par ici, je vais repasser par là.
Je suis si contente d'avoir trouvé quelqu'un pour jouer à cache-cache.
Comme je jouais avec ma copine Annie au Monoprix des Cinq-Avenues, lorsque nos mères avaient la bonne idée d'y aller ensemble.