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Comme le gui sur un arbre mort

« Puisque c'est un privilège de l'esprit de se ravoir de la vieillesse, je lui conseille, autant que je le puis, de le faire ; qu'il verdisse, qu'il fleurisse ce pendant, s'il peut, comme le gui sur un arbre mort.

Je crains que c'est un traître : il s'est si étroitement affréré(1) au corps qu'il m'abandonne à tous coups pour le suivre en sa nécessité. (…)

J'ai beau essayer de le détourner de cette colligeance(2), et lui présenter et Sénèque, et Catulle(3), et les dames, et les danses royales ; si son compagnon a la colique, il semble qu'il l'ait aussi. »

(Montaigne Essais livre III chapitre 5 Sur des vers de Virgile)

 

(1)Du mot frère. Le corps et l'esprit sont comparés à des jumeaux qui ne peuvent rester longtemps séparés.

(2)Cette liaison intime.

(3)Sénèque le stoïcien pour affronter la douleur, Catulle le poète licencieux pour s'en distraire.

 

Un privilège de l'esprit de se ravoir de la vieillesse : puisque la vieillesse affaiblit le corps, lui impose restrictions et souffrances, c'est l'occasion d'essayer accorder plus de place à l'esprit. Donc je lui conseille de le faire.

Mais voilà l'esprit ne peut que trahir ce désir, je crains que c'est un traître. Car il fait corps avec le corps, étroitement affréré à lui.

La condition humaine consiste en l'impossibilité de dissocier le corps et l'esprit (ou quel que soit le nom qu'on leur donne : sensation et pensée, soma et psyché etc.)

C'est sympa dans la jeunesse, ça va de soi, l'un et l'autre verdissent et fleurissent, en eux circule avec la même liberté la sève de la vie.

Mais quand l'automne arrive, la circulation devient un peu moins fluide et harmonieuse : faut adapter son mode de conduite, ses itinéraires ...

 

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