Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mille contraires visages

« Je ne laisse rien à désirer et deviner de moi. Si on doit s'en entretenir, je veux que ce soit véritablement et justement. Je reviendrais volontiers de l'autre monde pour démentir celui qui me formerait autre que je n'étais, fût-ce pour m'en honorer.

Des vivants même, je sens qu'on parle toujours autrement qu'ils ne sont. Et si à toute force je n'eusse maintenu un ami(1) que j'ai perdu, on l'eût déchiré en mille contraires visages. »

(Montaigne Essais livre III chapitre 9 De la vanité)

 

(1)La Boétie, qui d'autre ? Son discours de la servitude volontaire publié en 1576 (il avait 18 ans, un Rimbaud de la philosophie politique en quelque sorte) fut interprété par certains comme un appel à instaurer la république en France. Montaigne, fort dit-il de ses nombreux échanges à ce propos avec Labo, a toujours dit que ce n'était pas son propos. (On peut le regretter, mais bon).

 

En tous cas, ces lignes me paraissent très justes. On ressent toujours un malaise à être pris pour qui on n'est pas (on pense n'être pas). Y compris, c'est vrai, quand on se voit plus considéré qu'on ne juge le mériter.

Mais cette exposition à l'interprétation n'est-elle pas inhérente au fait de livrer son écrit ?

Et même, en présence des autres en chair et en os, il est facile de se tromper sur eux, comme de leur donner occasion de se tromper sur soi.

Ce qui amène d'autres questions : sommes-nous sûrs d'être ce que consciemment nous croyons être ? Et aussi : notre perception interne de nous-mêmes est-elle nécessairement plus juste que la perception extérieure, à travers nos actes ou paroles ?

Tout ce que nous pouvons en dire d'incontestable, c'est que c'est la nôtre.

 

Les commentaires sont fermés.