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Nécessairement en faute

« Je vois souvent qu'on nous propose des images de vie, lesquelles ni le proposant, ni les auditeurs n'ont aucune espérance de suivre ni, qui plus est, envie.

De ce même papier où il vient d'écrire l'arrêt de condamnation contre un adultère, le juge en dérobe un lopin pour en faire un poulet à la femme de son compagnon.(...)

En toutes les chambrées de la philosophie ancienne ceci se trouvera, qu'un même ouvrier y publie des règles de tempérance et publie ensemble des écrits d'amour et de débauche. (…)

Il serait à désirer qu'il y eût plus de proportion du commandement à l'obéissance ; et semble la visée injuste, à laquelle on ne peut atteindre.

Il n'est si homme de bien, (pour peu) qu'il mette à l'examen des lois toutes ses actions et pensées, qui ne soit pendable dix fois en sa vie, voire(1) tel qu'il serait très grand dommage et très injuste de punir et de perdre.

Et tel pourrait n'offenser point les lois, qui n'en mériterait point la louange d'homme de vertu, et que la philosophie ferait très justement fouetter. (…) 

L'homme s'ordonne à soi-même d'être nécessairement en faute.»

(Montaigne Essais livre III chapitre 9 De la vanité)

 

(1)Le sens est : à dire vrai. Ici je traduirais et même carrément.

Considérations morales imprégnées de la pensée réformée : nul ne peut être suffisamment juste par ses actes. Mais à l'inverse de la rigueur puritaine, Montaigne admet ce fait humain bien humain avec une certaine tranquillité. En revanche, la tartuferie le gêne, la combinaison d'un affichage puritain et d'une conduite faisant fi de l'éthique.

Et de fait tout affichage moral outré est le plus souvent fort suspect, Nietzsche et Freud le confirmeront. 

 

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