Bonne année, lecteurs. Que vos projets s'accomplissent, que vos désirs se réalisent. Et, à tout le moins, que les uns et les autres demeurent vivaces en vous.
Ici sur ce blog l'année commence comme elle a fini : au fil des mots de Montaigne ...
« Les hommes se donnent à louage. Leurs facultés ne sont pas pour eux, elles sont pour ceux à qui ils s'asservissent ; leurs locataires sont chez eux, ce ne sont pas eux.
Cette humeur ne me plaît pas : il faut ménager(1) la liberté de notre âme et ne l'hypothéquer qu'aux occasions justes ; lesquelles sont en bien petit nombre, si nous jugeons sainement.
Voyez les gens appris à(2) se laisser emporter et saisir, ils le font par tout, aux petites choses comme aux grandes, à ce qui ne les touche point comme à ce qui les touche ; ils s'ingèrent indifféremment où il y a de la besogne(3) et de l'obligation, et sont sans vie quand ils sont sans agitation tumultuaire. Il ne cherchent la besogne que pour embesognement. »
(Montaigne Essais livre III chapitre 10 De ménager sa volonté)
(1)Gérer. Le terme est plus général qu'il n'est aujourd'hui en français. Il correspond plutôt au sens anglo-saxon, qu'on retrouve dans le terme de manager d'un artiste ou d'un sportif.
(2)Il ne s'agit pas d'une étude, mais d'un mouvement instinctif, on peut dire : qui ont pris le pli de.
(3)Besogne : une occupation prenante, qui demande qu'on y mette tout son soin. Et une besogne souvent plus imposée que choisie. Si bien que l'embesognement peut confiner à ce que l'on a nommé ensuite l'aliénation.
Une aliénation dont Montaigne présente ici un diagnostic bien pertinent.
De nos jours la maladie de l'embesognement se voit particulièrement dans la foultitude de pseudo-débats (où la violence le dispute à l'inanité), portés par les résasociaux, ou encore les chaînes en continu déroulant leur fil d'infos (parlant, non ? L'impérialisme du signifiant disait Lacan).