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Ces mots qui modèrent

« Il n'est rien à quoi communement les hommes soient plus tendus qu'à donner voie à leurs opinions ; où le moyen ordinaire nous faut(manque), nous y ajoutons le commandement, la force, le fer, et le feu. Il y a du malheur d'en être là que la meilleure touche(1) de la vérité ce soit la multitude des croyants, en une presse où les fols surpassent tant les sages en nombre.

C'est chose difficile de résoudre son jugement contre les opinions communes.(...)

C'est merveille, de combien vains commencements et frivoles causes naissent ordinairement si fameuses impressions. Cela même en empêche l'information(2).(...)

Il s'engendre beaucoup d'abus au monde, ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance(3), et que nous sommes tenus d'accepter tout ce que nous ne pouvons réfuter. (…) On me fait haïr les choses vraisemblables quand on me les plante pour infaillibles.

J'aime ces mots, qui amollissent et modèrent la témérité de nos propositions : ''à l'aventure, aucunement, quelque, on dit, je pense'', et semblables.»

(Montaigne Essais livre III chapitre 11 Des boiteux)

 

(1)Pierre de touche, preuve.

(2)L'analyse.

(3)Affirmer notre ignorance, ne pas hésiter à dire : euh ben là je ne sais pas …

 

On l'a déjà dit, le style c'est l'homme : on voit ici que le goût de Montaigne pour ces termes modérateurs (on dit aujourd'hui plutôt modulateurs) que je relève régulièrement dans son texte, correspond bien à son souci d'ajuster aussi précisément que possible la pensée et son expression. Quitte à dire chaque fois qu'il faut : je ne sais pas. Ou mieux encore : que sais-je ?

 

Commentaires

  • Merci à Montaigne - notre époque manque de modérateurs de grande écoute.

  • Clairement !

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