Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Moitié moitié

« ''Parlez selon ce que vous avez affaire à votre auditeur''. Si c'est à dire : ''Suffise qu'il vous oye'', ou : ''Réglez-vous par lui'', je ne trouve pas que (c'est) raison.

Le ton et mouvement de la voix a quelque expression et signification de mon sens ; c'est à moi à le conduire pour me représenter(1). Il y a voix pour instruire, voix pour flatter, ou pour tancer.

Je veux que ma voix, non seulement arrive à lui, mais à l'aventure qu'elle le frappe et qu'elle le perce. Quand je mâtine(2) mon laquais d'un ton aigre et poignant(3), il ferait bon qu'il vînt à me dire : ''Mon maître parlez plus doux, je vous ouïs bien.''

(…) La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui l'écoute. Celui-ci doit se préparer à la recevoir selon le branle qu'elle prend.

Comme entre ceux qui jouent à la paume, celui qui soutient se démarche et s'apprête selon qu'il voit remuer celui qui lui jette le coup et selon la forme du coup. »

(Montaigne Essais livre III chapitre 13 De l'expérience)

 

(1)Me faire comprendre.

(2)J'aboie après (comme aboie un mâtin, un gros chien).

(3)Qui pique, déchire. Disons pour rester dans la métaphore : mordant.

 

La scène avec le laquais : moliéresque, non ?

Et d'ailleurs la métaphore du jeu de paume convient bien au travail du comédien. Se renvoyer la balle, se donner la réplique, pour que ce soit réussi, dans le ton juste, demande les mêmes qualités d'écoute, d'observation, d'adaptation à son partenaire.

Montaigne dit avoir aimé jouer au théâtre dans son adolescence, et avoir de même aimé jouer à la paume. Ce passage laisse à penser qu'il ne devait pas être trop nul sur l'un et l'autre terrain, et en tous cas un partenaire stimulant.

 

Les commentaires sont fermés.