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Avec faim et allégresse

« Et sain et malade, je me suis volontiers laissé aller aux appétits qui me pressaient. Je donne grande autorité à mes désirs et propensions. Je n'aime point à guérir le mal par le mal ; je hais les remèdes qui importunent plus que la maladie.

D'être sujet à la colique et sujet à m'abstenir du plaisir de manger des huîtres, ce sont deux maux pour un. Le mal nous pince d'un côté, la règle de l'autre. Puisqu'on est au hasard de se méconter(1), hasardons-nous plutôt à la suite du plaisir.

Le monde fait au rebours, et ne pense rien utile qui ne soit pénible. La facilité lui est suspecte. (…)

Quoi que je reçoive désagréablement me nuit, et rien ne me nuit que je fasse avec faim et allégresse ; je n'ai jamais reçu nuisance d'action qui m'eût été bien plaisante. Et si(2) ai fait céder à mon plaisir, bien largement, toute conclusion médicinale. »

(Montaigne Essais livre III chapitre 13 De l'expérience)

 

(1)Puisqu'on court le risque de se tromper.

(2)Et par conséquent.

 

Rien ne me nuit que je fasse avec faim et allégresse : la joie est puissance, dirait Spinoza.

Hasardons-nous à la suite du plaisir : choix du placebo, au sens propre.

Il est clair que Montaigne fanfaronne un peu ici (c'est de bonne guerre). Évidemment un tel comportement finira souvent par trouver sa limite devant la force inverse, la destructivité que met en œuvre la maladie.

Si bien que lorsque la médication est possible, son efficacité prouvée, aussi désagréable soit-elle, le principe de réalité n'est pas une mauvaise option. Selon la constatation freudienne, c'est un bon moyen de faire durer le plaisir (en l'occurrence celui de vivre).

Mais à l'époque de Montaigne, on peut le lui accorder, préférer le placebo disons que c'est toujours ça de pris, si l'on veut, encore un peu, vivre heureux en attendant la mort, pour le dire avec (l'immortel) Desproges.

 

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