« J'accepte de bon cœur, et reconnaissant, ce que Nature a fait pour moi, et m'en agrée et m'en loue. On fait tort à ce grand et tout puissant donneur de refuser son don, l'annuler et le défigurer. Tout bon, il a fait tout bon. »
(Montaigne Essais livre III chapitre 13 De l'expérience)
Cette phrase fait explicitement écho au refrain qui scande le célèbre poème de la création au premier chapitre de la Genèse : Et Dieu vit que cela était bon.
Le poème biblique culmine sur la création de l'homme à l'image de Dieu : Dieu fait l'homme à son image, homme et femme il le fait. Mais ici, dans cette bible humaniste que sont les Essais, Dieu est remplacé par nature, l'homme est célébré dans sa nécessaire et suffisante humanité :
« Ils veulent se mettre hors d'eux et échapper à l'homme. C'est folie ; au lieu de se transformer en anges, ils se transforment en bêtes.* »
Ce ils n'est pas précisé par le contexte. Il englobe, sans nul doute, autant certains promoteurs d'une philosophie désincarnée que certains religieux dans leur horreur suspecte de la chair. Et puis il vise les enragés des guerres de religion.
« Entre nous, ce sont choses que j'ai toujours vues de singulier accord : les opinions supercélestes et les mœurs souterraines. »
Déserter, que ce soit par le haut ou par le bas, la place du bon vieux père Adam (l'être de terre), l'expérience nous a appris, en effet, que les deux mènent à des comportements d'inhumanité.
*Blaise Pascal, qui l'a beaucoup lu, reprendra on le sait la formule à sa sauce : L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête.