Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

En son dernier décours

« J'ai un dictionnaire tout à part moi : je passe le temps quand il est mauvais et incommode ; quand il est bon, je ne le veux pas passer, je le retâte, je m'y tiens. Il faut courir le mauvais et se rasseoir au bon.

Cette phrase ordinaire de « passe-temps » et de « passer le temps » représente l'usage de ces prudentes gens, qui ne pensent pas avoir meilleur compte de leur vie que de la couler et échapper, de la passer, gauchir, et, autant qu'il est en eux, ignorer et fuir, comme chose de qualité ennuyeuse et dédaignable.

Mais je la connais autre, et la trouve et prisable et commode, voire en son dernier décours, où je la tiens ; nous l'a nature mise en mains (...)

Je me compose pourtant à la perdre sans regret, mais comme perdable de sa condition, non comme moleste(1) et importune. Aussi sied il proprement bien de ne se déplaire à mourir qu'à ceux qui se plaisent à vivre. »

(Montaigne Essais livre III chapitre 13 De l'expérience)

 

(1)Pesante, pénible à supporter.

 

Ne se déplaire à mourir : du bon usage d'une double négation.

Dé-plaire inscrit un signe négatif. C'est clair : envisager sa mort n'est pas une partie de plaisir. Mais le deuxième signe négatif renverse la proposition. Une double négation équivaut à une affirmation.

La négation du déplaisir ouvre ainsi dans le mur de la mort la brèche par où laisser s'infiltrer encore le courant de la vie.

Quand je danse je danse : je fais, dans chaque présent, ce qui se présente à faire, je le fais de toute ma présence vivante. Quand il s'agira de mourir, il en sera de même. Jusqu'à l'extrême limite du dernier souffle.

Tel est le désir (ou l'effort : je me compose) de Montaigne, qui va une fois de plus chercher du côté d'Epicure son viatique.

 

Les commentaires sont fermés.