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J'ai vu

« À travers tant d'écrits sur la politique, je n'ai point encore trouvé ce qui répond à mon système.

J'ai vu des écrits contre les principes théoriques de la Révolution française, qui respiraient d'ailleurs(1) la plus pure morale.

J'ai vu des philippiques violentes contre les crimes de la Révolution française ; mais quelque juste soit l'horreur qu'ils doivent inspirer, on n'y voyait que le but de ramener d'anciens préjugés et de perpétuer, par des personnalités(2) inutiles ou des injustices perfides, des haines toujours funestes.

J'ai vu des écrits qui renfermaient une théorie politique dont l'abstraction me semblait aussi vraie que spirituelle, mais qui gardaient le silence sur tout ce qui se commettait au nom de cette théorie.

J'ai vu d'autres écrits apologistes du crime même et j'ai plaint ces malheureux hommes qui se flattaient d'échapper à travers une idée générale et de nous faire adopter une doctrine exécrable pour confondre leur conduite dans des sophismes, pour exprimer leurs actions par une langue métaphysique, comme s'ils pouvaient les placer dans l'abstraction et leur ôter ainsi leurs caractères sanglants. »

(Germaine de Staël. Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution et des principes qui doivent fonder toute République en France) (écrit en 1797-98 mais resté inédit un siècle).

 

(1)Par ailleurs. Elle veut dire « que ça n'empêchait pas de ».

(2)Elle entend par ce terme de personnalité un comportement égocentrique : tout évaluer en fonction de ses intérêts propres.

 

On remarquera que le titre de ce livre est en soi une argumentation qui permet d'éviter un contresens. Ce qu'elle veut dire par terminer la révolution n'est pas l'idée d'en finir avec elle, idée promue à l'époque par les réactionnaires pro-restauration pour ramener d'anciens préjugés (et utilisée depuis à chaque nouvelle tentation réactionnaire).

Terminer la révolution c'est au contraire l'accomplir, la mener à son achèvement logique (et non temporel et concret, celui-ci étant par définition indéfini, toujours à poursuivre).

Et surtout, se donner les moyens de fonder la république, en droit et en fait, au plan législatif et institutionnel.

 

Un texte qui allie intelligence et finesse (alliance caractéristique de Germaine), et qui reste, malgré la différence de contexte, particulièrement éclairant pour nous aujourd'hui dans les turbulences qui atteignent la démocratie.

 

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