« n°43 : Conseil
C'est à la gloire que tu aspires ?
Alors écoute cette leçon :
Renonce à temps, librement,
À l'honneur. »
(Friedrich Nietzsche. Le Gai Savoir. Prélude en rimes allemandes)
Cette différence (et même cette opposition, voire incompatibilité) entre gloire et honneur, en quoi consiste-t-elle ?
Germaine de Staël nous l'explique, en nommant d'un nom plus explicite l'honneur en question ici.
« C'est en méditant sur l'ambition que je parlerai de tous les succès éphémères qui peuvent imiter ou rappeler la gloire ; mais c'est d'elle-même, c'est à dire de ce qui est vraiment grand et juste, que je veux d'abord m'occuper. » (De l'amour de la gloire)
L'amour de la gloire, dit Germaine, « est aussi rare que le génie, et presque jamais il n'est séparé des grands talents qui font son excuse. »
Mais l'ambition, elle, n'est que sa contrefaçon.
« Par l'ambition, je désigne la passion qui n'a pour objet que la puissance, c'est à dire la possession des places, des richesses ou des honneurs qui la donnent » (De l'ambition)
L'ambition c'est moche, c'est médiocre. Mais c'est surtout un mauvais calcul.
« Je ne cherche point à détourner l'homme de génie de répandre ses bienfaits sur le genre humain ; mais je voudrais retrancher des motifs qui l'animent le besoin des récompenses de l'opinion ; je voudrais retrancher ce qui est l'essence des passions, l'asservissement à la puissance des autres. » (De l'amour de la gloire)
La soif de reconnaissance qui caractérise l'ambitieux aboutit ainsi tout à fait logiquement à son asservissement à la puissance des autres.
C'est de cet asservissement que Nietzsche incite à se libérer. En sachant qu'il faut payer le prix de la liberté.
En fait on comprendrait mieux sa phrase avec un pluriel : renonce aux honneurs pour ne pas perdre ta liberté, renonce aux honneurs pour rester homme d'honneur.
(Ou femme d'honneur, telle Germaine).