« n°22 : L'ordre du jour pour le roi.
C'est le début de la journée : commençons à organiser pour ce jour les affaires et les cérémonies de notre très gracieux Seigneur qui daigne encore se reposer. Sa Majesté a aujourd'hui mauvais temps : nous nous garderons de le qualifier de mauvais ; on ne parlera pas du temps, – mais nous traiterons aujourd'hui les affaires avec un peu plus de solennité et les cérémonies avec un peu plus de pompe qu'il ne serait besoin sans cela.
Peut être même sa Majesté sera-t-elle malade ; nous lui présenterons pour son petit déjeuner la dernière bonne nouvelle de la soirée, l'arrivée de monsieur de Montaigne, qui sait si agréablement plaisanter de sa maladie, – il souffre de calculs. (…)
J'ai l'habitude de commencer la journée en l'organisant et en la rendant supportable pour moi, et il est bien possible qu'assez souvent je l'aie fait de manière trop pompeuse et trop princière. »
(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Premier livre)
J'aime beaucoup ce passage qui permet d'apprécier le sens de l'autodérision de Friedrich, la brillante ironie mise à narguer son narcissisme. Et surtout sa manière aussi pudique qu'émouvante de ruser avec sa souffrance.
Monsieur de Montaigne n'arrive pas ici par hasard.