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Alchimie à l'envers

« n°292 : Aux prédicateurs de morale.

Je ne veux pas faire de la morale, mais à ceux qui en font, je donne ce conseil : si vous voulez finir par vider de leur bonheur et de leur valeur les meilleures choses et les meilleurs états, alors continuez à les débiter comme vous l'avez fait jusqu'à présent !

Placez-les au sommet de votre morale et parlez du matin au soir du bonheur de la vertu, du repos de l'âme, de la justice et de la rétribution immanente (…) toutes ces bonnes choses finiront par acquérir une popularité et avoir pour elles la clameur de la rue : mais alors aussi tout l'or dont elles sont revêtues sera usé et pire encore : tout ce qu'elles contiennent d'or se sera changé en plomb. En vérité, vous vous y connaissez en cet art, l'alchimie à l'envers, la dévalorisation de ce qui a le plus de valeur !

Faites donc l'essai d'une autre recette, si vous ne voulez pas, comme jusqu'à présent, obtenir le contraire de ce que vous cherchez : niez ces bonnes choses (…) dites que la morale est quelque chose de défendu ! (…) Il faut qu'elles contiennent quelque chose qui inspire la terreur et non, comme jusqu'à présent, le dégoût. N'aimerait-on pas dire aujourd'hui de la morale ce que disait maître Eckhart : '' Je demande à Dieu qu'il me tienne quitte de Dieu !''»

(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

 

C'est rare, mais il me semble qu'ici c'est le cas : Nietzsche se trompe. Non sur le fait qu'il est des prêcheurs de morale qui puissent rendre détestables les meilleures choses.

Là où il se trompe je pense, c'est sur la véritable cause de cette alchimie négative. Il envisage ici (et c'est étonnant de sa part) la question morale de façon abstraite, comme si elle existait indépendamment de ceux qui la portent.

Et c'est pourquoi je m'arrête sur ces mots : quelque chose qui inspire le dégoût.

Ce n'est pas toujours quelque chose, un contenu, qui inspire le dégoût, mais c'est souvent plutôt quelqu'un. Quelqu'un qui fait la morale au sens de la prêcher, mais sans la faire au sens de l'appliquer dans son comportement.

 

Celui qui, comme tel ministre naguère, prône le civisme et va planquer ses sous dans un paradis fiscal. Et qui en plus, une fois qu'il est découvert, vous affirme les yeux dans les yeux qu'il est irréprochable. Menteur, cupide, cynique : dégoûtant.

Celui qui, disciple zélé de Tartuffe, prêche l'évangile de l'amour pour mieux assouvir ses penchants pédocriminels sur des enfants. Faux, pervers, violent : dégoûtant.

Celui qui prétend religieuse une loi qui méprise les femmes, leur dénie toute liberté et dignité, ne voit en elles que des objets de plaisir, de procréation. Dégoûtant, dégoûtant, dégoûtant.

 

Quant à l'idée de rendre la morale désirable en misant sur l'esprit de contradiction, en en faisant quelque chose de défendu, elle m'évoque ceci :

Le Seigneur Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Éden pour cultiver le sol et le garder. Le Seigneur Dieu prescrivit à l'homme : '' Tu pourras manger de tout arbre du jardin, mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance de ce qui est bon et mauvais, car, du jour où tu en mangeras, tu mourras.''

(Genèse chap1 v.15-17. Trad oecuménique).

 

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