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Cruciverbiste (14) Une odeur de lavande

Fait un dîner d'affaires. Solution : mite.

La mite m'évoque immanquablement les boules de naphtaline dont ma mère et ma grand-mère truffaient les lainages dans les armoires. On ne peut pas dire que l'odeur en soit agréable, mais s'il m'arrive de la sentir à nouveau aujourd'hui, elle fait venir plein d'images d'enfance. Et ça c'est agréable.

Pour chasser les mites ou autres insectes, il y a aussi les plantes aromatiques, par exemple la lavande. La lavande qui embaume au mois de juillet les plateaux de ce qui s'appelait du temps de mon enfance les Basses-Alpes, département désormais rebaptisé, politically correct oblige, Alpes de Haute Provence (c'est vrai ça sonne mieux, c'est plus vendeur pour le touriste, comme Côtes d'Armor au lieu de Côtes du Nord).

Mémé Jeanne, encore elle, y avait une maison. Un été que j'y passais des vacances, elle m'apprit à confectionner de petits objets à base de fins rubans tressés autour d'un bouquet de lavande. Des bouteilles, des paniers, qui remplaçaient avantageusement les boules de naphtaline.

La technique était simple, tout en demandant pas mal de patience et de minutie (faut croire que je disposais en ce temps-là de ces inestimables qualités – sic transit ...).

Alors je vous explique : on prend un bouquet de lavande ni trop gros ni trop maigre, on le retourne de façon à emprisonner les fleurs dans les tiges. Et puis ne reste plus qu'à entrelacer à ces tiges, un brin dessus, un brin dessous (patiemment et minutieusement donc), un petit ruban d'une couleur au choix (la mercière du village en présentait tout un arc-en-ciel).

Mon conseil plus : il faut serrer suffisamment pour que l'objet soit solide, mais pas trop, sous peine d'empêcher la diffusion optimale de l'odeur.

Cette odeur de lavande, apaisante et vivifiante tout à la fois, comme sont les plus beaux de nos souvenirs d'enfance.

 

Et à propos d'enfance retrouvée : se rappelait au souvenir de Proust (6 lettres).

 

Commentaires

  • Disons "saveur" - mais je prends les définitions trop au premier degré, je le sais. L'extrait tout de même, pour le plaisir - et pour la lavande :
    "Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir."

  • Saveur, entre autres de la madeleine, irait bien sûr, sauf qu'en effet les verbicrucistes aiment les décalages. Ils sont allés chercher autre chose, de moins agréable ...
    Et merci, Tania, de nous donner à relire cette phrase si belle, intelligente, suggestive, si proustienne en un mot !

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