« Eau de vie.

Cordial composé de : 1 volume de tonnerre-et-éclairs, 1 volume de remords, 2 volumes de crime sanglant, 1 volume de mort-enfer-et-damnation, 2 volumes de Satan clarifié et 4 volumes de Sainte Mère ! La bonne dose : le volume d'une tête à chaque fois ; c'est Emerson, me semble-t-il, qui a prétendu que l'eau de vie était le breuvage des héros. Je n'encouragerais certainement pas les autres à s'y mettre. Au demeurant, ce n'est pas mauvais. »

(Ambrose Bierce Le dictionnaire du diable)

Voilà qui sent le vécu et la pratique assidue, dirait-on.

« Ego.

Forme latine du mot je. Les Romains étaient affligés d'un défaut d'élocution qui ne leur permettait pas une meilleure approximation. Rois et éditeurs se rapprochent davantage de la véritable prononciation en disant : nous. »

Pour les rois nous n'avons plus à en pâtir ici en France, et en tous cas il y a prescription. Même si on a connu des champions, tel Loulou Soleil qui ne parla d'ego que pour mieux asseoir son nous de majesté contre le nous de ses sujets : l'État c'est moi faut l'oser hein.

Quoique. Va savoir s'il n'y aurait pas de nos jours des gens capables de dire (sans rire) la République c'est moi. Mais bon je déraisonne, c'est impossible.

En revanche pour les éditeurs, là je souscris. Spécial dédicace au mien, pour son rapport disons désinvolte au droit d'auteur (je ne parle pas au sens financier) (quoique : oui, aussi). Voilà ça c'est fait. (L'effet Bierce a du bon).

« Enfant.

Accident en vue duquel toutes les énergies ordonnées de la nature se conjuguent et s'ajustent avec la plus grande précision. »

C'est marrant Schopenhauer dit en gros la même chose. En voilà deux qui doivent avoir des échanges sympas au Club des Incorrigibles Optimistes.

« Enfant de l'Assistance.

Gamin qui s'est débarrassé tout seul de parents ne convenant ni à sa situation ni à ses projets. »

Bierce me paraît un bon exemple des pratiquants d'humour noir : beaucoup sont du genre à forcer sur la provocation pour ne surtout pas risquer d'être pris en flagrant délit de compassion, de révéler un moment de tendresse.