« De simples désaveux et de stériles critiques ne correspondent en rien aux tendances d'esprit d'Érasme ; quand il dénonce un manquement, il le fait pour en exiger la réparation ; jamais il ne blâme pour le vain plaisir de blâmer. (…) De même que la Renaissance exprime un rajeunissement magnifique des lettres et des arts grâce au retour à l'idéal antique, de même Érasme espère épurer l'Église (…) ''en mettant au jour ce Christ enfoui sous les dogmes''. (…)
Mais, par essence, l'humanisme n'est jamais révolutionnaire et si Érasme, lorsqu'il soulève ces questions, rend à la Réforme religieuse les plus grands services et lui prépare le chemin, sa nature indulgente, extrêmement pacifique, recule avec effroi devant l'éventualité d'un schisme officiel. Érasme ne tranchera jamais avec la violence d'un Luther, d'un Calvin ou d'un Zwingli, qui coupent court à toute contradiction sur ce qui est bien ou mal (...) »
(Stefan Zweig. Érasme chap 5 Années de célébrité)
Avec violence, non. Mais il saura user de sa verve pamphlétaire et polémique à maintes reprises. Et en particulier dans l'œuvre qui a fait sa gloire, la seule à vrai dire qu'on lise encore aujourd'hui.
« De même que l'artiste crée d'une main plus sûre lorsqu'il façonne une chose dont il est privé, qu'il désire vivement, de même cet homme raisonnable par excellence était tout indiqué pour composer cet hymne joyeux à la folie et pour se moquer de la façon la plus géniale des adorateurs de la pure sagesse.
Il ne faut pas non plus se laisser abuser par cet admirable déguisement sur les vraies intentions de ce livre. Car l'Éloge de la Folie fut sous son masque de carnaval un des ouvrages les plus dangereux de son temps ; ce qui aujourd'hui peut ne nous sembler qu'un feu d'artifice fut en réalité une explosion qui ouvrit la voie à la Réforme. Laus Stultitiae appartient aux pamphlets les plus efficaces qui furent jamais écrits. »