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L'homme qui donne et l'homme et qui reçoit (5/9)

« Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés. » (Mtt 5, 5)

Heureux ceux qui pleurent : autant dire heureux les malheureux, non ?

Serait-ce le moment cynique, voire sadique, de l'évangéliste ?

Parce que bon ils seront consolés, mais quand ? Au paradis, dans l'au-delà ? Ils peuvent avoir un doute, comme les enfants à qui l'on dit « on fera ça, tu auras ça. Demain » juste pour se débarrasser d'eux.

Très vite ils comprennent que demain, souvent ça veut dire jamais. Les enfants et aussi Qohèlet l'Ecclésiaste :

« Regardez les pleurs des opprimés : ils n'ont pas de consolateur (…) Et moi je félicite les morts qui sont déjà morts plutôt que les vivants qui sont encore en vie. Et plus heureux que les deux celui qui n'a pas encore été, puisqu'il n'a pas vu l'œuvre mauvaise qui se pratique sous le soleil. » (Qo 4,1-3)

Qohèlet précise ici ceux qui pleurent : les opprimés. C'est logique si l'on suit la tradition qui attribue le livre au roi Salomon. La justice sociale est en effet, en tous cas devrait être, la préoccupation d'un gouvernant.* Surtout quand il s'agit du plus sage des rois dixit le texte biblique.

Des opprimés, on en trouvera aussi plus loin dans les béatitudes. Mais dans celle-ci est considérée la seule douleur. Est-ce dans l'idée délétère que la douleur aurait une valeur en soi ? Cette idée obscène, scandaleuse, qui n'a que trop nourri une foi et une piété doloristes. À commencer par l'exaltation des souffrances de Jésus crucifié.

Chouraqui traduit, de façon plus précise : les endeuillés. Les pleurs sont provoqués par un deuil, une perte, bref un manque. On peut remarquer alors que la notion de manque se retrouve dans une autre béatitude : Heureux ceux qui ont faim et soif de justice. (On verra ça la prochaine fois).

En quoi consiste la consolation devant un manque ? Pas à le combler : on parlerait alors de réparation. La consolation consiste, l'étymologie le dit, à ne pas laisser la personne désolée, seule avec sa souffrance.

Les endeuillés-désolés seront donc consolés à condition, dirait M. de la Palisse, qu'ils trouvent des consolateurs pour tenir cette promesse.

Ainsi le rapport présent/futur de l'énoncé des béatitudes** peut être lu comme un appel à mettre en oeuvre, à incarner à sa mesure la volonté, le désir divin de bonheur pour l'humanité.

« Vous serez parfaits comme votre père céleste est parfait » lisions-nous la dernière fois.

Soit. Mais comme « Dieu est dans le ciel et toi sur la terre » (Qohèlet 5, 1) c'est aux humains qu'il appartient de parfaire cette terre.

Ou, comme le dit encore mieux Montaigne (en pensant à cette phrase de Qohèlet ?)

« Quoi qu'on nous prêche, il faudrait toujours se souvenir que c'est l'homme qui donne et l'homme qui reçoit. »

(Essais II,12 Apologie de Raimond Sebon)

 

*Je dis ça je dis rien …

**Trois des béatitudes, cependant, sont entièrement au présent. On verra ça plus loin.

 

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