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Prenant la parole (1)

« À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s'assit, et ses disciples s'approchèrent de lui. Et, prenant la parole, il les enseignait. » (Matthieu 5, 1-2)

« Il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme leurs scribes. » (Mtt. 7, 29)

Telle sont les phrases par lesquelles Matthieu commence et conclut la section « sermon sur la montagne » de son évangile (chap 5,6,7).

Jésus de Nazareth y présente son propre condensé de la Torah, assorti de son propre commentaire. Autrement dit il assume une position de rabbi, d'enseignant. Cela n'a rien en soi d'exceptionnel. L'étude et le commentaire du texte sont d'emblée consubstantiels au mode religieux juif.

(Même si selon les lieux et les temps l'autorisation de lire et surtout d'interpréter a été plus ou moins difficile d'accès, pour les femmes par exemple ...)

Cela étant, Matthieu affirme une différence entre le rabbi Jésus et les autres : Il les enseignait en homme qui a autorité.

Question : en quoi consiste cette autorité ?

Regardons la mise en scène du discours de la section 5-7.

Il n'a pas lieu dans la synagogue, lieu habituel de l'enseignement des rabbis, mais sur la montagne. Monter sur la montagne évoque différents épisodes bibliques. Par exemple le non-sacrifice d'Isaac (Genèse 22, 1-18), ou encore le sacrifice réalisé par le prophète Élie au mont Carmel pour conjurer la sécheresse (1 Rois 18).

Mais ici la montagne n'est pas lieu de sacrifice. La scène évoque plutôt un autre moment du livre, moment-clé s'il en est : celui où Moïse monte sur le mont Sinaï pour y recevoir les dix paroles qu'il sera chargé de transmettre au peuple. (Exode 24, 12, puis Ex 34 après qu'il a brisé les premières tables*).

Sauf qu'il y a ici une différence de taille : Moïse monte seul recevoir la parole de Dieu dans les nuées du Sinaï. Il est présenté comme un homme à part, qui seul peut accéder à la sainteté d'un lieu à part pour recevoir la parole fondatrice.

Jésus, lui, ne monte pas seul sur la montagne, au contraire une foule de ses disciples l'y accompagne. Aucune séparation, aucune « sainteté » ni du lieu ni des protagonistes.

Quant à la parole dont il va s'agir, elle n'est pas nouvelle, tous la connaissent. Il ne s'agit pas pour Jésus de dire du nouveau**, il s'agit de dire « à nouveau ». Comme le musicien interprète l'œuvre déjà mille fois jouée : selon son propre savoir, sa propre personnalité, son propre rapport au monde et à la musique.

C'est le sens du refrain : « Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens (…) et moi je vous dis ». D'un côté un énoncé au passé formulé en une tournure impersonnelle, de l'autre un énoncé au présent, assumé par un « moi  je » qui parle en son nom propre.

L'autorité de la parole de Jésus est là, dans ce présent, dans ce je.

 

*Dans l'épisode complexe de la réception de la loi, on peut relever pas mal de divergences, voire de contradictions, entre Exode et Deutéronome, et tout autant à l'intérieur des livres eux-mêmes. Ce qui n'est pas à déplorer : rendant impossible toute lecture fondamentaliste, cela éveille d'emblée l'esprit critique du lecteur et le met devant la nécessité de chercher son interprétation.

**Il va le préciser un peu plus loin dans le texte.

 

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