« I. Le Désir est l'essence-même de l'homme, en tant qu'on la conçoit déterminée, par suite d'une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose. »
(Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)
Je l'ai déjà dit dans mes autres parcours sur l'Éthique, ce serait une erreur (trop souvent commise) de s'arrêter après « l'essence-même de l'homme ». L'erreur de flouter cette définition, de la rendre abstraite, d'en désamorcer la puissance et l'originalité.
Le désir selon Spinoza n'est pas un en soi et pour soi (à cet égard le mot essence peut prêter à confusion). Il ne se conçoit qu'en fonction de son résultat, du faire quelque chose auquel il aboutit. Le passage de l'un à l'autre est commandé (déterminé) par l'affect (une quelconque affection de l'essence).
Le désir est ce qui définit le mieux l'être humain, son essence donc, à condition toutefois de la concevoir non comme quelque chose de posé et défini a priori, mais comme une potentialité qui se construit dans la succession des motions occasionnant son expression.
Une conception proche de la formule sartrienne « L'existence précède l'essence. »
Cependant notons que cette conception, au fond simple et claire, ne laisse pas d'impliquer beaucoup de complications concrètes, une fois quitté le ciel pur de la philosophie pour le clair-obscur la vraie vie.
C'est pourquoi Spinoza assortit sa définition d'une « explication » qui se termine ainsi :
« J'entends donc ici sous le nom de Désir (cupiditas) tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme (conatus, impetus, appetitus et volitiones), lesquels varient en fonction des variations de l'état d'un même homme, et il n'est pas rare de les voir tellement opposés entre eux que l'homme, tiraillé dans des sens divers, ne sache où se tourner. »
D'où l'intérêt de regarder de plus près ces affects qui nous tourneboulent en notre essence (bon on s'en remet) et tiraillent nos existences (ce qui, avouons-le, nous perturbe bien davantage).