Alors non, il ne s'agit pas du binôme paritaire (un homme et une femme) qui présente les infos sur les chaînes en continu dans un dialogue du genre :
« Une femme : Alors Machin, cette guerre ( catastrophe répression épidémie etc.) ça boume ?
Un homme : Oui Machine, on peut le dire, ça boume d'enfer.
Un homme et une femme ensemble : Que de dégâts chabadabada chabadabada, que de tristesse et manque de joie chabadabada »
« II. La Joie (laetitia) est le passage de l'homme d'une moindre perfection à une plus grande.
III. La Tristesse (tristitia) est le passage de l'homme d'une plus grande perfection à une moindre. »
(Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)
Ce binôme fonctionne selon le principe des vases communicants, dans lesquels circulerait en fait de « liquide » une perfection. OK on veut bien. Mais reste une question : perfection, ça veut dire quoi pour Spinoza au juste ?
Réponse dans la préface de la Partie 4 d'Éthique (De la servitude humaine, autrement dit des forces des affects). Je renvoie le lecteur à l'ensemble de cette préface qui est un texte-clé du livre, presque sa synthèse. J'en extrais seulement ceci :
« Les hommes prirent l'habitude d'appeler parfaites ou imparfaites les choses naturelles plutôt par préjugé que par vraie connaissance des choses »
Pré-jugé = correspondant à une idée préconçue, et ne résultant pas de l'observation du réel (ce qu'il désigne ici par vraie connaissance des choses).
« Nous avons en effet montré, dans l'Appendice de la première partie*, que la Nature n'agit pas en vue d'une fin : car cet Étant éternel et infini que nous appelons Dieu, autrement dit la Nature, agit avec la même nécessité par laquelle il existe. »
Formule encore plus radicalement non-idéaliste que l'existence précède l'essence (cf 2)
« Et c'est pour cette raison que j'ai dit plus haut (définition 6 partie 2) que quant à moi, par réalité et par perfection j'entends la même chose. »
Entendons avec lui le sens premier de parfait, du latin per-fectus = accompli, fait jusqu'au bout. La réalité est nécessairement parfaite parce qu'elle consiste dans l'ensemble de tout l'existant (dans le temps et l'espace, et sous toutes les modalités possibles).
Ainsi je m'en vais reformuler à ma façon les définitions de départ (ce n'est pas Spinoza qui me le reprochera, hein, là où il est).
Joie : mouvement d'épanouissement qui augmente la surface d'adhésion à ce qui existe, renforce la présence au monde. Et par conséquent le possible effet sur lui. (C'est pourquoi Spinoza identifie dans d'autres passages la joie à la puissance).
Tristesse : mouvement inverse de repli, d'absence au monde, dé-fection.
*Autre texte-clé. On peut je pense, se faire une idée assez précise de l'ensemble du livre en lisant (intégralement quand même) l'appendice P1 et la préface P4. Ce peut être une bonne introduction.