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48 nuances d'affects (4) Admiration

« IV. L'Admiration est l'imagination d'une chose en quoi l'Esprit reste fixé parce que cette imagination singulière n'est aucunement enchaînée aux autres. »

(Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)

 

Ce n'est pas ainsi que tu aurais défini l'admiration, n'est-ce pas, lecteur-trice ? Moi non plus. Mais c'est ça qui me plaît dans la lecture de Spinoza. J'ai l'impression qu'il me dit : faut reset ton logiciel*, ma vieille, si tu veux capter quelque chose à ce que je te raconte là. Et en fait j'aime bien, je prends ça comme un jeu.

Élément nécessaire à la réinitialisation mentale, la définition des mots. Je précise donc ici que par imagination s'entend le fait d'avoir l'image mentale de quelque chose.

Quant à la notion d'enchaînement, elle renvoie au déterminisme, une des fondations de la pensée spinoziste. Ce que, toujours pédagogue, il reprécise dans l'explication qui suit :

« La cause qui fait que l'Esprit, de la contemplation d'une chose tombe aussitôt dans la pensée d'une autre, c'est que les images de ces choses sont enchaînées les unes aux autres et disposées dans un ordre tel que l'une suit l'autre** (...) »

Et précisément, continue-t-il dans l'explication, la particularité de l'admiration est d'être « distraction de l'Esprit ». Autrement dit elle extrait l'image de la chaîne qui se déroule. Oui mais comment peut se produire un tel arrêt sur image ?

« Cette distraction de l'Esprit ne naît d'aucune cause positive qui distrairait l'Esprit des autres choses, mais seulement de ce que manque la cause (qui déterminerait) à penser à d'autres choses. »

Pas très simple. Ce que je comprends : le fait que manque la cause (temporairement bien sûr, ce peut être un moment très bref, car échapper à la mécanique déterministe est impossible par définition), dégage en nous comme un espace libre.

Par conséquent, si l'admiration fait tant de bien (c'est mon expérience en tous cas), c'est qu'elle offre une sensation de suspens, de relâche, d'extase.

Une sensation de pure joie venue d'une « chose » qui peut être une œuvre d'art, un acte de bonté, de belle humanité, toutes les splendeurs de la nature, sans oublier l'intelligence rayonnante de Spinoza ...

 

 

*« Mon dessein n'est pas d'expliquer le sens des mots mais la nature des choses, et de désigner celles-ci par des vocables dont le sens usuel ne soit pas complètement incompatible avec le sens que je veux leur donner dans mon usage, que cela soit dit une fois pour toutes. » (Partie 3, explication après la définition 20)

**Freudien, non ? C'est sur ce principe en effet que ce bon vieux Sigmund propose la « libre association des pensées » pour parvenir, en remontant la chaîne, à repérer les nœuds névrotiques.

 

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