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48 nuances d'affects (7) Haine

« VII. La Haine (odium) est une Tristesse qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure. »

(Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)

 

On voit que Spinoza conçoit l'amour et la haine en un binôme parallèle au J/T(cf 3). De la même façon que l'amour consiste dans la joie que l'autre soit qui il est, la haine en est le désagrément, le dépit, voire le dégoût. Tous ces affects en dé- qui signent la défaite de la vie, le contraire donc de la per-fection, et que Spinoza nomme parfois passions tristes.

Et de la même façon qu'il y a réversibilité possible entre joie et tristesse, selon le principe des vases communicants, il peut y avoir retournement de l'amour en haine. En théorie l'inverse est possible, mais curieusement moins fréquent (en tous cas de façon spontanée, cf la citation en bas de cette page).

Les exemples ne manquent pas : qui n'a été témoin (ou pire protagoniste) d'un divorce qui se passe mal, quand tout à coup les amis/amants sont saisis d'un esprit de guerre totale, au mépris des victimes collatérales : enfants, chiens chats et poissons rouges.

Une réversibilité qui interroge. Freud ne cesse de la constater dans son travail :

« Selon le témoignage de la psychanalyse, presque tout rapport affectif intime de quelque durée entre deux personnes – relation conjugale, amicale, parentale et filiale – contient un fond de sentiments négatifs et hostiles, qui n'échappe à la perception que par suite du refoulement. » (Psychologie des foules et analyse du moi chap.6 )

Il nomme ce phénomène ambivalence des sentiments. Lacan formulera la chose dans un néologisme qui rend encore mieux compte de la conception spinoziste : hainamoration.

Tels Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur, nous portons tous, tatoués sur nos mains, les mots love et hate. Si bien que dans chacun de nos actes il sont l'un et l'autre impliqués. Quoi qu'on dise, jamais sa main droite ne peut ignorer ce que fait la gauche, et vice-versa. Conception pas très optimiste ?

Sans doute, mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras, s'enliser dans la tristesse.

« Qui veut se venger des offenses par une Haine réciproque vit à coup sûr misérablement. Tandis que qui au contraire s'emploie à triompher de la Haine par l'Amour combat tout joyeux et sans inquiétude, tient tête avec autant de facilité à plusieurs hommes qu'à un seul, et n'a pas le moins du monde besoin du secours de la fortune. Et ceux qu'il vainc perdent joyeux, non pas certes d'avoir perdu leurs forces, mais d'en avoir gagné. » (Éthique Partie 4 scolie prop 46)

Et ceux qu'il vainc perdent joyeux : c'est beau, non ? N'empêche on a un peu envie de dire : super, Monsieur Spinoza, c'est vrai que vivre dans la haine est vivre misérablement, mais ... euh … sans inquiétude, tient tête avec autant de facilité à plusieurs hommes qu'à un seul, et n'a pas le moins du monde besoin du secours de la fortune, euh … vous êtes sûr ?

À quoi je le vois bien rétorquer : tant que t'auras pas essayé, ma chère Ariane (oui j'adorerais entendre Spinoza m'appeler sa chère Ariane) tu risques pas de savoir.

 

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