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48 nuances (27) Consternation

« XLII. La Consternation (consternatio) se dit de celui dont le Désir d'éviter un mal est réprimé par l'admiration d'un mal qui lui fait peur. »

(Spinoza Éthique Partie 3. Définition des affects)

 

Rappelons-nous d'abord que l'admiration, telle que la définit Spinoza, consiste à rester fixé sur un objet, car elle suspend un moment le mécanisme du déterminisme, l'enchaînement incessant des causes et des effets (cf 4).

On comprend alors que le fait d'admirer un mal qui fait peur correspond à la sidération traumatique.

C'est le trauma que note le latin consternatio : panique, épouvante.

Mais là où le latin assortit l'effroi d'agitation, de mouvement pour y échapper, l'acception actuelle en français du mot consternation fait pencher la balance du côté de la désolation, de l'accablement : c'est bien de sidération qu'il s'agit.

« On peut donc la définir commodément comme la Crainte qui arrête l'homme stupéfait ou flottant de telle sorte qu'il ne peut éloigner le mal. » (Explication de la définition 42)

Cet affect évoque une fois de plus la théorisation freudienne.

Freud observe l'incapacité à échapper à la sidération, avec pour conséquence la répétition du traumatisme, chez des soldats de 14-18 revenus du front. Malgré la douleur que cela provoque, il ne peuvent s'empêcher de revenir à l'horreur du moment traumatique : choc de la blessure, panique intense et fuite éperdue sous les obus, échange de regards à portée de baïonnette avec l'ennemi où l'on reconnaît sa propre peur, et puis la honte d'avoir tué ce semblable et de se réjouir que ce ne soit pas lui qui vous ait tué …

Tout cela les soldats le revivent, malgré eux, sous forme de rêves et d'hallucinations récurrentes.

« De telles observations (…) nous encouragent à admettre qu'il existe effectivement dans la vie psychique une compulsion de répétition qui se place au-dessus du principe de plaisir. »

(Au-delà du principe de plaisir chap 3)

Si l'on revient à la définition ci-dessus, on peut dire que le désir d'éviter un mal correspond au principe de plaisir, qui est suppression autant que possible de toute perturbation. Et la consternation est l'affect qui force le passage vers le principe inverse, un au-delà du principe de plaisir où Freud reconnaît la pulsion de mort.

La consternation, définie comme fixation incoercible sur la souffrance et le mal, est ainsi dans le schéma spinoziste l'envers absolu du conatus perseverare in suo esse, l'effort (la tendance, la programmation vitale) à persévérer dans son être 

 

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