Depuis quelque temps les éditeurs ont trouvé un nouveau filon. On voit se multiplier sur les présentoirs des librairies, en guise de têtes de gondole, des dictionnaires amoureux de tout et de rien, d'Untel ou Untel (plus rarement Unetelle il me semble mais sans doute manqué-je d'impartialité).
Filon facile d'exploitation, d'un bon rapport bénéfice/investissement à la fois pour les éditeurs et les auteurs sollicités. Les premiers font appel à des noms connus qui leur garantissent un minimum de ventes assurées, les seconds peuvent pondre le machin sans trop se fouler en puisant dans leurs fonds de tiroirs.
« N'y a-t-il pas dans tes propos comme un soupçon de jalousie envers les écrivains consacrés et bankable (comme on dit en bon français), toi qui n'as publié qu'un petit livre chez un petit éditeur » (Petit s'entend de l'envergure de la maison, pas de sa mesquinerie – quoique).
Ainsi parle mon Surmoi, genre je suis le gardien de ta lucidité et de ta conscience éthique. Ma lucidité ça va, Surmoi, et quant à la conscience éthique, à propos du business de l'édition, excuse-moi.
(Oui je règle mes comptes) (et j'emmerde mon Surmoi).
Cependant mon propos n'est pas, malgré les apparences, de jeter la pierre à ces braves gens. À leur place sans doute ferais-je pareil. L'opportunisme éditorial fait somme toute moins de dégâts que l'extraction d'énergies fossiles, par exemple.
Quoique ? ... Non non je laisse tomber les réflexions philosophiques. Après des semaines de Spinoza à haute dose, il nous faut un break, n'est-ce pas lecteur ?
En fait le truc c'est que dictionnaire amoureux, je trouve la formulation inepte (au sens latinisant où l'emploie Montaigne : in-aptus, qui ne convient pas). Car d'un dictionnaire je ne sais pas vous mais pour ma part je n'attends pas qu'il déclare son amour à qui ou quoi que ce soit. Ses affects, vous voulez que je vous dise, c'est comme ceux de Surmoi, je m'en fiche.
Tout ça pour dire que j'ai envie d'écrire mon dictionnaire moi aussi y a pas de raison na. Un petit dico de tout de rien et surtout de n'importe quoi.
Même si je n'ai pas une tête de gondole, je peux encore ramer avec la mienne.