« Un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi »
dit Eugène Labiche.
J'aurais tendance à penser comme lui. Du coup conséquence très angoissante : le monde est plein d'égoïstes. Horreur : l'enfer c'est les autres !
Mais non pas de panique. Pour ma part personnellement quant à moi, je constate qu'il y a un certain nombre de personnes qui pensent ou ont pensé à moi. Et tenez-vous bien : de bonnes choses. J'ai eu une sacrée chance (méritée faut dire : c'est moi quand même). Et pourtant les probabilités étaient faibles, au regard de la population mondiale, de tomber sur des non-égoïstes dans mon environnement immédiat.
Quoi ? Tu dis, Surmoi ?
« Leurs bonnes dispositions à ton égard, ne crois pas que tu y sois pour quelque chose, cela tient juste à leur propre générosité, leur propre positivité. »
« Oui. Bon. Mettons. (Ce qu'il peut être rabat-joie, lui). Mais le résultat est là. »
Et en plus, après tout, savoir si l'on pense à vous en bien ou en mal, quelle importance au fond, l'essentiel n'est-il pas d'exister au regard de l'autre ? C'est la jurisprudence dite « papa maman y font pas attention à moi y z'ont pas regardé mon zoli dessin alors ze vais faire un caprice na. »
Si l'autre, plutôt qu'en termes de beauté, bonté, intelligence et autres innombrables qualités vôtres, pense à vous en termes (inadéquats inutile de le préciser) de nullité, bêtise, égoïsme, à lui de voir. Pourvu qu'il y pense.
Aphorisons donc cela : L'autre me pense, donc je suis (mais pas forcément ce qu'il pense) (vous suivez ?)
Puisqu'on est dans l'ergotage, enfin la philosophie, je demanderais bien à Eugène ce qu'il pense de quelqu'un qui ne pense pas à soi. En bonne logique on le définira comme un auto-égoïste, coupable d'égoïsme envers soi-même.
Complexifions le sujet : l'auto-égoïsme est-il équivalent à l'altruisme ? Autrement dit, suffit-il de ne pas penser à soi pour penser aux autres ? (Voilà qui va occuper Surmoi pour un moment).
Je disais plus haut que je bénéficie d'un cordon sanitaire contre la méchanceté du monde, constitué d'un certain nombre de non-égoïstes. Mais dès que je m'aventure hors de ce cercle protecteur, je suis comme vous, en butte à la multitude des égoïstes.
Longtemps j'en ai éprouvé tristesse, ou dépit, ou angoisse, ou colère (et souvent tout ça à la fois). C'était tout le catalogue des passions tristes qui s'ouvrait à ma compulsation dès que je me risquais à la moindre incursion dans le vaste monde et la rugueuse réalité.
Et puis un beau jour j'ai réalisé que ce n'était pas personnel. Ce n'était pas un égoïsme anti-moi, spécifiquement dirigé contre moi.
C'était juste un égoïsme de principe, une valeur universelle.
Consolant, non ?