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Petit dico (4) Marchand

Quoi ? Mais non, voyons ! Aucune malice dans l'enchaînement égoïsme/marchand. Un marchand est tout sauf égoïste. C'est une fausse réputation qu'on leur fait, les pauvres ! 

« M.Jourdain : Il y a de sottes gens qui me veulent dire que (mon père) a été marchand.

Covielle : Lui, marchand ? C'est pure médisance, il ne l'a jamais été. Tout ce qu'il faisait, c'est qu'il était fort obligeant, fort officieux ; et, comme il se connaissait fort bien en étoffes, il en allait choisir de tous les côtés, les faisait apporter chez lui, et en donnait à ses amis pour de l'argent. »*

OK Jean-Baptiste s'amuse à mettre les marchands en boîte, mais c'est non sans un clin d'œil affectueux à Papa Poquelin.

Je ne vais pas rater l'occasion de citer Montaigne : « Il n'est rien que je haïsse comme à marchander. » (Essais I,14 Que le goût des biens et des maux dépend en bonne partie de l'opinion que nous en avons) (ouf oui c'est son titre le plus long) (pas vraiment vendeur).

Non qu'il s'en vante. Son incapacité au marchandage, sa vergogne dans l'auto-promotion l'ont desservi en maintes occasions. Le genre qui demande rendez-vous au DRH pour une augmentation et ressort en ayant accepté de travailler plus en gagnant pas plus.

C'est pourquoi d'ailleurs il rend hommage à papa et grand papa Eyquem à plusieurs reprises. Parmi leurs nombreuses qualités, la gestion avisée du domaine, ce qui lui a permis de vivre en rentier. (De l'intérêt de naître héritier, dirait Bourdieu).

Cependant rendons-lui cette justice qu'il a bien employé son otium.

Le fiston Poquelin, lui, ne se débrouillait pas trop mal dans les négociations avec ses mécènes. Faut dire que Loulou Soleil, par exemple, pouvait faire le généreux à bon compte, n'étant guère soumis à la nécessité de marchander.

Ses ministres marchandaient pour lui auprès des banquiers, et ses fermiers généraux levaient l'impôt avec un zèle qui leur valait quelque retour sur investissement.

Les marchands d'aujourd'hui ne déméritent pas dans ce zèle rapace. Je ne parle pas de ce qu'il est convenu d'appeler le petit commerce de proximité. Son obligeance officieuse, aussi méritoires que soient ses efforts, reste somme toute limitée, si bien qu'elle n'entrave guère notre liberté.

(Quoique. Imaginons que mon boulanger, mon marchand de journaux, mon marchand de primeurs, ainsi que les vendeuses des boutiques de la ville qui s'emploient à me fashionvictimiser, lisant ces lignes s'en offusquent, et décident en rétorsion de ne plus rien me vendre. Je mourrais vite de faim, de froid, et pire, de manque de mots croisés).

Mais il en va autrement des gros marchands, des ogres internationaux : les gafam, la grande distribution, les grands groupes de l'énergie. Leur résister, leur échapper : oui, mais comment ?

Euh je me demande tout à coup si de tels propos seront vendeurs auprès des éditeurs putatifs, vassaux inféodés à l'un ou l'autre de ces fieffés marchandeurs de malheur.

 

*(Le Bourgeois gentilhomme Acte IV sc 3)

Commentaires

  • Ah, des billets d'humeur, voyons. J'ai quelques "Dictionnaires amoureux" dans ma bibliothèque, appellation commerciale, en effet, qui ne me gêne pas plus que cela. Sans doute "dictionnaire" est-il mis pour "abécédaire" et "amoureux" pour "composé par un auteur passionné par le sujet" - une façon d'annoncer l'approche subjective dont un dictionnaire se garde en principe.
    J'avoue ne pas avoir compris exactement ce que vous leur reprochez, mais je continuerai à lire votre série, je ne doute pas que vous tiriez cela au clair.

  • Je crains que mes fariboles ne méritent pas tant de questions, Tania ! Je l'ai dit, je m'offre une récré avec du n'importe quoi. Sinon oui c'est le côté standard marketing qui m'agace avec ce terme d'amoureux, à qui on finit par faire dire tout et n'importe quoi. Cependant, mes séries sur Montaigne, Nietzsche ou Spinoza sont de fait, sinon des dictionnaires, du moins des balades amoureuses. Et là, le mot n'est pas trop fort : de leurs oeuvres je suis éprise, passionnée, définitivement tombée d'amour ...

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