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Sur le rêve (7) Monter sur le Dachstein

« Une fillette de 19 mois est laissée à jeun pendant toute une journée parce qu'elle a vomi le matin et que selon les dires de sa nurse elle s'est rendue malade en mangeant des fraises. La nuit qui suit ce jour de jeûne on l'entend prononcer son propre nom pendant son sommeil en y ajoutant les mots suivants : ''fraises, groseilles, œufs brouillés, bouillie''. Elle rêve donc qu'elle mange, et relève dans son menu ce qui dans les temps qui viennent, à ce qu'elle suppose, lui restera dispensé avec parcimonie. »

(Sigmund Freud Sur le rêve chap 3)

 

Son propre nom : en fait c'est Anna Freud, sa fille. Le nom est cité pour ce rêve dans la Traumdeutung. Pourquoi le censure-t-il ici ? Sans doute pour répondre à la critique émise sur son premier livre : c'est très personnel tout ça, vous extrapolez abusivement.

Dans la Traumdeutung aussi, il précise l'enjeu psychique crucial d'un rêve si simple.

« Quand nous disons que l'enfance est heureuse parce qu'elle ne connaît pas encore le besoin sexuel, nous oublions quelle source permanente de déceptions, de renoncement et, partant, de rêves, est pour elle l'autre grand besoin vital (c'est à dire manger). »

(TD chap 3 Le rêve accomplissement de désir)

 

Autre rêve d'enfant : « Un garçon de 5 ans et 3 mois semblait peu satisfait d'une marche dans la région du Dachstein ; chaque fois qu'une nouvelle montagne était en vue, il voulait savoir si c'était le Dachstein, puis il avait refusé de faire avec les autres le chemin qui menait à la cascade. Sa conduite fut imputée à la fatigue, mais il s'expliqua mieux quand le lendemain matin il raconta son rêve et dit qu'il était monté sur le Dachstein. (…) Dans le rêve il rattrapait ce que la journée ne lui avait pas apporté. »

Dachstein signifie pierre de toit. Un nom qui incite visiblement le petit garçon à désirer aller vers le haut (du coup la cascade qui tombe, c'est quasiment de la provocation). À défaut de monter sur le « Toit du monde », c'est le désir d'atteindre pour commencer le sommet dans son petit monde à lui.

Freud ne commente pas si avant : d'une part il se doute que le lecteur a compris à demi-mot, d'autre part il se concentre pour l'instant sur la seule question du travail du rêve :

« Ce qu'il y a de commun à ces rêves d'enfants (il en note aussi quatre autres) saute aux yeux.Tous satisfont des désirs mis en branle dans la journée, tout en restant insatisfaits. Ce sont des satisfactions de désirs simples et non voilées. »

 

Un autre rêve vient préciser, de manière encore plus claire que celui du Dachstein, le désir de fond de ces enfants, celui qui motive les autres.

« Une petite fille qui n'avait pas encore 4 ans (…) dormait la nuit, chez une tante sans enfant, dans un grand lit – évidemment bien trop grand pour elle. Le lendemain elle fit savoir qu'elle avait rêvé que le lit était bien trop petit pour elle, et qu'elle n'y avait pas trouvé assez de place. »

Freud commente : désir classique des enfants, être grand.

Mais ce qui est délectable dans ce rêve, je trouve, c'est l'ironie. Aux adultes qui répètent « tu es trop petite pour ceci ou cela », la petite réplique non sans malice « je suis plus grande que vous, la preuve, je suis à l'étroit dans votre lit pour grandes personnes. »

Je me demande par ailleurs si Freud ne veut pas laisser entendre qu'il y a quelque chose de caché sous ce grand lit, caché dans l'inconscient de la petite fille, qui a hâte d'être grande car elle sait déjà, sans savoir qu'elle le sait, que dans les grands lits on ne fait pas que dormir et rêver.

« Une étude plus attentive de l'âme de l'enfant nous apprend qu'en réalité les tendances sexuelles sous leur forme infantile, jouent dans l'activité psychique de l'enfant un rôle considérable qui n'a été que trop méconnu. » dit-il dans une note du chap 3 de la TD.

 

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